NOTE DE LA REDACTION | Pour fêter la fin d'une année riche en sorties et reparutions, Obsküre publie une sélection concoctée par notre collaborateur Mäxime Lachaud, laquelle vous permettra de réviser votre bilan sonore de l'année. Une sélection de films, de nouveau réalisée par Mäx, fera l'objet d'un second article. Nous remercions notre spécialiste pour son initiative, riche d'enseignements et propice à la découverte ou la redécouverte. Ses goûts extrêmement ouverts débouchent sur un voyage sensoriel riche, intense, et ouvrent l'appétit.
TOP ALBUMS 2022
Il n'est pas toujours évident de parler dans Obsküre de toutes les choses que l'on a écoutées ou aimées tout au long de l’année, le temps manque. J'ai donc opéré une sélection de disques qui m'ont accompagné ces derniers mois et qui valent tous le détour à mon humble avis. Cela ne se veut en aucun cas un Top exhaustif car j'ai été loin d'écouter tout ce qui a pu sortir en musiques sombres, expérimentales et électroniques, mais cela peut vous permettre de vous plonger dans des albums que vous auriez peut-être ratés cette année 2022.
1. Diamanda Galàs - Broken Gargoyles (Intravenal Sound Operations)
La diva revient à des univers avant-gardistes et terrifiants avec cet album digne de sa période The Divine Punishment / Saint Of The Pit. Un univers de douleur, viscéral, où les strates sonores se superposent et nous terrassent, implacables, fascinantes. Avec une voix plus diabolique que jamais, la chanteuse américaine nous livre une œuvre d'art qui ne peut laisser indifférent.
2. Dagerlöff & Galner - Häxan - Selected Works (L'Histoire inconnue du disque)
Créée pour accompagner l'édition DVD/Blu-ray chez Potemkine du film ultra culte Häxan, La Sorcellerie À Travers Les Âges (et malheureusement déjà épuisée), cette bande originale renoue avec l'atmosphère possédée et occulte de l'œuvre de Benjamin Christensen (certains pensaient même qu'un langage codé démoniaque avait été caché dans des photogrammes), à grands coups de synthés modulaires, de violons grinçants, de chœurs et de percussions étranges. À mi chemin entre puissance orchestrale et dark ambient, le duo parisien envoûte, et la musique tient largement la route sans le support des images.
3. How I Quit Crack - Photonic (Pecan Crazy)
Sûrement l’une des musiques les plus étranges qui soit. Les Texans Ernestina Forbis et Chris Cones réinventent le psychédélisme électronique avec ces vidéos lo-fi (l'album est sur format DVD) qui dégagent une beauté hypnotique difficile à cerner. On a l'impression d'assister à un rituel de sorcellerie poétique, noyé dans des imageries multicolores, des chants d'un autre monde et des percussions autistes. Jamais les sons n'ont produit un effet aussi proche des champignons hallucinogènes.
4. Carla dal Forno - Come Around (Kallista Records)
La dream pop minimaliste de Carla dal Forno est toujours aussi séduisante. Quelques notes de basse, une voix éthérée, des mélodies impeccables, des arrangements électroniques subtils, parfois dub, et des rythmes squelettiques : cela suffit largement à créer un univers unique qui pourra évoquer les Young Marble Giants, A.C. Marias ou Julee Cruise. Un style maîtrisé et hypnotique.
5. Ashburn County - Lullabies & Nightmares (La République des Granges / Nuit et Brouillard)
Le quatrième album du collectif franco-américain est tout simplement une perle. Des ambiances immersives, douces comme des ritournelles éthérées mais profondément terrifiantes. Une musique cinématographique et apocalyptique où se mêlent voix cold envoûtantes, orchestrations contemporaines, rythmiques martiales et électronique dissonante, le tout dans un imaginaire "gothique sudiste" où l'accordéon cajun résonne comme une procession funéraire.
6. Patrick Leagas - sTefn (Hagshadow)
Patrick Leagas (Death In June, Sixth Comm) a toujours eu une des plus belles voix de la scène dark et post-industrielle, mais jamais elle ne s'est tant rapprochée de celle de Scott Walker. La musique elle-même, tourmentée et expérimentale, n'est pas sans rappeler The Drift ou Bish Bosch. Un chaos savamment orchestré, angoissant et diabolique, mélange de samples, d'électronique et de néoclassique. Dans la lignée des travaux les plus occultes de Sixth Comm, mais avec une approche sonore plus avant-gardiste.
7. Teahouse Radio - Her Quiet Garden (Vrystaete)
De l'ambient lo-fi brumeuse, désolée et hivernale. Pär Boström sait créer de la mélancolie avec peu d'effets et ses drones oniriques atteignent souvent la beauté pure. De la musique à écouter fort, dans laquelle on pourrait se perdre pendant des heures.
8. Cosey Fanni Tutti - Delia Derbyshire : The Myths And The Legendary Tapes (Conspiracy International)
Bande originale d'un documentaire sur l'expérimentatrice sonore Delia Derbyshire, l'ex Throbbing Gristle a produit un travail fascinant où son style mute et s'imprègne des boucles sur bandes des ateliers radiophoniques de la BBC. C'est abstrait, sans âge, plein d'échos et de delay d'un autre monde. L'esprit de Delia est ravivé dans ces quinze pièces sonores spectrales au psychédélisme délicieusement rétro-futuriste.
9. Ak'chamel, The Giver of Illness - Transitory Collection Vol II (La République des Granges) / A Mournful Kingdom of Sand (Akuphone)
Selon que le projet de Houston Ak'chamel travaille sur des cassettes ou sur des vinyles, il change son approche sonore. Les cassettes ont toujours une dimension plus brute, saturée, archéologique comme sur ce second volume de Transitory Collection. On croirait avoir mis la main sur des enregistrements de sacrifices païens ancestraux et la bande aurait été endommagée avec le temps, perdue dans un temple au fin fond de l'Orient. Le plus incroyable est que cette musique de transe est faite quasiment uniquement avec des instruments acoustiques. De la vraie folk apocalyptique. A Mournful Kingdom Of Sand c'est l'autre facette. Un son ample, tribal, psychédélique, tout aussi dépaysant.
10. Denis Frajerman - Tiphaine (Klanggalerie)
Denis Frajerman aime composer pour les cordes et il s'en donne ici à cœur joie avec ses comparses de longue date Carole Deville (violoncelle) et Hélène Frissung (violon). Mais le néoclassique revisité par l'ex Palo Alto est toujours teinté d'ambiances rêveuses, de basses cold, de dissonances étranges et de percussions mystérieusement exotiques. Ce pourrait être la bande-son idéale d'un film de Béla Tarr avec ses plans-séquences enivrants et son sens de la suspension tragique ("Il y a des Lèvres et des Yeux", "Sous ses Ailes").
11. Laurent Pernice - UMTT (Halte Aux Records / Atypeek)
Un voyage audio-visuel et poétique dans l'intimité de Laurent Pernice. Vidéos, mots et sons comme un tout. Une électronique mélancolique et recherchée, des ambiances au psychédélisme sombre et hautement cinématique. Peut-être son meilleur disque depuis le classique Détails (1988).
12. Zombie Zombie - Vae Vobis (Born Bad)
Le projet kraut-electro s'est mis au latin dans cet album sans équivalent, aussi efficace sur les dancefloors (le tubesque "Nusquam Et Ubique") qu'évocateur d'ambiances sombres et cérémonielles ("Erebus", "Lux in Tenebris"), avec parfois des vocodeurs délicieusement diaboliques ("Vae Vobis"). Un pari fou et réussi.
13. Ilitch - PTM Works 2 (Trace Label)
En 1980, les frères Müller sortaient une cassette en édition limitée de leur collaboration. Quarante-deux ans plus tard, ils retombent sur des photos de leur enfance et se remettent à composer ensemble. Ne pas se fier à ces images innocentes qui ornent le disque car ici l'ambiance est angoissante, fiévreuse et lugubre. La bande-son d'un long cauchemar, dense en matières sonores, où la lumière apparaît en touches diffuses ("Rêve et réalité") jusqu'à un hommage à Luc Ferrari de quatorze minutes. Exigeant et de qualité.
14. NYIÞ - ᛬ᚢᛁᛋᚿᛁ•ᚼᛆᛏᛁ•ᚼᚱᛅ (Cyclic Law)
Le pendant islandais d'Ak'chamel. Une musique folklorique, païenne, rituelle, piochant autant dans le dark jazz et le doom que dans un primitivisme hurlé et carnavalesque. L'intégrale enregistrée du projet sur ces dix dernières années est rassemblée dans ce double CD et c'est une vraie découverte.
15. Pierre Desprats - After Blue (Paradis Sale) (Ecce Films)
La bande originale du second long-métrage de Bertrand Mandico participe grandement au climat psychédélique et sensuel du film. Tout ici est somptueux, les guitares cristallines comme issues d'un album d'And Also The Trees, les mélopées enfantines, les voix susurrées sur orgues d'église, les touches western à la Morricone, synthétiseurs dramatiques, textures glacées et envolées electro. Un bel objet vinyle et un travail d'exception où on explore cette planète avec extase, crainte et fascination. À conseiller aux amateurs de musiques de giallo.
16. F.ormal L.ogic D.ecay - Oxyd (Dark Vinyl)
Il semble qu'avec son dernier album Luigi Maria Mennella ait voulu rendre hommage à la musique planante allemande des années 1970 et début 1980. Un son analogique qui pourra évoquer Tangerine Dream, Klaus Schulze et l'école de Berlin, mais aussi les débuts de la scène electro minimale (John Carpenter, The Human League...). On ne s'étonne pas qu'un des morceaux ait servi de bande originale à un court d'animation.
17. Adult. - Becoming Undone (Dais Records)
Le neuvième album du duo electro-punk de Détroit est sûrement leur plus industriel et agressif en date. Peut-être le plus douloureux aussi, car après une entrée en matière assez EBM et dancefloor, on pénètre des territoires sonores plus obsessionnels et tourmentés (les fascinants "Normative Sludge" et "She's nice looking") où la voix de Nicola Kuperus n'a jamais été aussi inquiétante ("Teeth out Part II").
18. Principles Of Geometry - ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ (Tigersushi)
Le grand retour du duo lillois avec cet abécédaire étalé sur trois vinyles dans lequel ils rendent hommage au son electronica / IDM des années 1990. Un périple onirique dans des sons qui semblent sortis d'un album d'Autechre ou d'Aphex Twin. Entre ambient, rythmes syncopés, nappes planantes ou acides, c'est riche, varié et tout en évocations d'images.
19. This Immortal Coil - The World Ended A Long Time Ago (Ici, d'ailleurs.…)
L’idée géniale d’avoir mêlé un super casting à la This Mortal Coil à des reprises de Coil n’aura pas duré que le temps d’un seul disque (The Dark Age Of Love en 2009) – et tant mieux, parce que le second opus est encore d’un niveau supérieur. Vous comprendrez en jetant une oreille à la reprise de "Where are you?" par le quintet Matt Elliott, Aidan Baker, Gaspar Claus, Franck Laurino et Maxime Tisserand. Il aurait pu être casse-gueule de s’attaquer à un tel monument, mais le résultat est là. Beau, sombre, aérien et élégant. L’esprit de 4AD et de Coil dans un seul disque, c’est déjà assez fou. Mention spéciale aussi aux versions de "Dark River" ou “Going Up".
20. Echo West - Reincarnation Of Doubts (Dark Vinyl)
Dirk Torben Klein est un vétéran de la scène dark wave allemande, également à la tête de Silent Signals, et il faut bien dire que son dernier opus renoue avec l'excellence de ses débuts (l'intemporel Signalisti). Dans l'esprit de Fad Gadget, The Klinik, Vomito Negro ou Click Click, avec des beats imparables et un talent indéniable à créer des atmosphères sombres et terminales.
21. And Also The Trees - The Bone Carver (AATT)
Chaque nouvel album d'AATT est un événement en soi, même si les Anglais n'ont plus rien à prouver aujourd'hui. Leur univers est installé, construit autour de la voix de Simon Huw Jones et de la guitare de son frère Justin. Climatique, élégant, romantique, le nouvel opus est tout cela et bien plus encore.
22. Frajerman / Volodine - Variations Volodine (La Volte)
Un projet faramineux et un livre-objet unique. Six CD pour revenir sur une collaboration historique entre le compositeur Denis Frajerman et le brillant écrivain Antoine Volodine. Une plongée labyrinthique dans plus de vingt-cinq années d'exploration du post-exotisme. Poétique et incantatoire, cet univers mélange autant les bruitages animaliers que le lyrisme opératique avec une attitude totalement décomplexée et imaginative. Un régal.
23. The Soft Moon - Exister (Sacred Bones)
Le cinquième album de Luis Vasquez est un condensé d'humeurs variées où chaque morceau semble prendre le contre-pied du précédent. On passe d'un shoegaze planant à de l'industriel martial puis à du post-punk tourbillonnant, des beats technoïdes ou du dark ambient. Le son est toujours très travaillé, et les basses et guitares caractéristiques ne sont pas évacuées pour autant. Donc ça part dans tous les sens (notamment avec des invités pas forcément pertinents) mais on s'y retrouve à la fin.
24 La STPO - Romanciel (Alma de Nieto)
Parce que le rock avant-gardiste de la STPO reste un des secrets les mieux gardés de la scène française depuis quatre décennies. Un opéra enchanté et détraqué ultra virtuose où vous passerez du coq à l’âne. Fou, unique, théâtral et profondément surréaliste.
25. Robin Carolan & Sebastian Gainsborough - The Northman (OST) (Sacred Bones)
Les avis divergent sur le dernier film de Robert Eggers (The VVitch, The Lighthouse) mais on ne peut nier l’excellence de sa bande-son où folk païenne nordique, percussions martiales, cordes atonales et instruments traditionnels se mêlent. L’influence de Ligeti et Penderecki est indéniable, mais à ces textures avant-gardistes s’ajoutent une brutalité digne de groupes industriels bien enragés du style Test Dept, des chants de gorge caverneux et des drones électroniques. C’est apocalyptique et sinistre, mais aussi incontournable pour les amateurs de néofolk que la BO de The Wicker Man.
26. Nero Kane – Of Knowledge And Revelation (Subsound Records)
Le projet italien continue son exploration d’un univers crépusculaire, incantatoire et mystique, quelque part entre dark folk psychédélique et gothique américain. Un son de plus en plus affiné, ample, et des longues mélopées en formes de prières. Mention spéciale à "Burn the Faith", comme une rencontre entre du Nico et du Troum, et "Lacrimi si Sfinti" à l'ambiance très The Moon Lay Hidden Beneath A Cloud.
27. Gilla Band - Most Normal (Rough Trade)
Les ex Girl Band ont toujours un son aussi fou et hallucinant, avec des effets dans tous les sens. Du noise rock de haut niveau, imprévisible, inventif, audacieux, et les textes délirants de Dara Kiely. Les Irlandais se radicalisent de plus en plus, et on valide totalement.
28. Den Sorte Dod - Undergangen / Depressiv Magi (Cyclic Law)
Superbe mélange instrumental de dungeon synth et musique cosmique inspirée de l'école berlinoise. Le duo scandinave sait nous faire décoller avec ces belles mélopées de mellotron, comme une rencontre entre les BO d'Artemiev pour Tarkovski et le Klaus Schulze de Schizophrenia. Beau, immersif et glacé.
29. Wovenhand - Silver Sash (Glitterhouse)
Il aurait été difficile de ne pas mettre Wovenhand dans cette sélection, même si ce dernier opus est loin d'être mon favori. Mais des titres comme "Duat Hawk" et "8 of 9" sont impeccables, avec la voix mystique de David Eugene Edwards toujours aussi possédée. De toute façon, chaque album du projet s'apparente de plus en plus à une chevauchée épique dans le désert à laquelle il est difficile de ne pas être sensible.
30. Pierre Jolivet / Pacific 231 - Voies Parallèles & Perspectives (Thödol Records/Anima)
Pacific 231 est un nom connu des amateurs de musiques industrielles des années 1980, mais l'artiste a continué à explorer des univers variés et a même fini un doctorat sur le sujet de la perception sensorielle et de l'art sonore. Ce coffret somptueux du label nîmois est le premier sous le nom de Pierre Jolivet, et peut être vu comme une sorte de rétrospective avec ses cinq CD. Le power electronics est tout de même bien loin, nous sommes ici dans un travail à dominante ambient, expérimental et électronique, avec même un disque entièrement à base de pianos préparés. Mais rien qu'une pièce comme "Machina Alpha" mérite le détour à elle-seule.
31. Attic Ted - 13 Select Home Recordings (Pecan Crazy)
Le maître texan du post-punk carnavalesque a pioché dans vingt années d’archives pour en ressortir quelques enregistrements bruts mais qu’on est heureux de découvrir. Bidouilles électroniques folles ("Beneath the Water"), new wave minimaliste ("Nice People"), country punk ("Texas Trip") ou ballades hallucinées ("For A While"), le son lo-fi sied à merveille à cet univers. On a juste envie de sortir les bières, d’appeler les potes et de s’organiser un dancefloor sur canapé. Addictif.
32. Dawn + Dusk Entwined - La Flamme Rouge (Aube et crépuscule)
La bande originale non pas d’un film, mais d’un livre, écrit par Cécile Lozen. Vingt-deux morceaux aux ambiances anciennes, martiales et mélancoliques. Il y a un peu de Zamia Lehmanni de SPK ici, du In The Nursery ou du Raison d’Être, mais aussi des passages plus médiévaux qui peuvent rappeler les albums neofolk de Burzum ("Helagr", "1002", "Renaissance"). Le projet de David Sabre s’est remis en route depuis 2020 et rien ne semble vouloir l’arrêter.
33. Common Eider, King Eider - Yearn / Curse All Kings - Inversion (Cyclic Law)
Le duo américain produit depuis une quinzaine d'années une musique rituelle bercée de silences et de violes mélancoliques. De nombreux enregistrements sont sortis, toujours en éditions très limitées, mais ce Yearn pourrait être une belle porte d'entrée à ces cérémonies mystérieuses. À écouter enchaîné à l'album Inversion de l'autre projet de Rob Fisk, Curse All Kings.
34. Munly & The Lupercalians - Kinnery Of Lupercalia ; Undelivered Legion (SCAC Uncorporated)
Le nouvel album du projet country gothique reprend les choses là où elles s'étaient arrêtées avec Petr & The Wulf en 2010. Impressionnant sur scène avec ses costumes et mises en scène, le groupe l'est aussi sur disque, avec un son riche et dense qui saura parler aux amateurs de Nick Cave & The Bad Seeds ou 16 Horsepower. Le début épique d'une trilogie annoncée.
35. Dear Deer - Collect & Reject (Manic Depression / Swiss Dark Nights)
On adore le style nerveux et dansant du duo electropunk lillois. Basses groovy, guitares tronçonneuses, boîtes à rythmes qui claquent et les deux chants qui transforment souvent les morceaux en hymnes. Peut-être pas leur meilleur disque à notre goût, mais un bon paquet de bons titres à ne pas louper : "Joan", "JJR", "Backward Groove" ou "Plaster".
REEDITIONS
1. Virgin Prunes - If I Die I Die (BMG)
Parce qu'il s'agit tout simplement d'un des plus grands albums de tous les temps, et pas juste pour la scène cold/gothique. La recherche d'une "nouvelle forme de beauté" qui reste toujours aussi pertinente et créative quarante ans après sa sortie initiale en 1982. Un éloge de la différence, de l'excentricité et du rêve, riche en mysticisme, en complaintes sacrées, en basses ensorceleuses et en ritournelles démoniaques, avec la production impeccable de Colin Newman (Wire) en prime et un CD avec treize titres supplémentaires.
2. Jarboe - Skin Blood Women Roses (Consouling Sounds)
Le premier album de Skin, projet de Michael Gira et Jarboe, fut pour beaucoup la découverte de l'immense talent et des capacités vocales de cette dernière, qui seraient par la suite mises en avant au sein des Swans, et notamment du classique Children Of God (1987). Entre reprises angoissantes de chansons traditionnelles ("Cry me a River", "The Man I love"), mélancolisme vampirique ("1000 Years"), comptines possédées ("Still a Child") et arrangements néoclassiques ("We'll fall apart"), ce disque est non seulement important dans l'histoire de Jarboe mais aussi du "southern gothic" en musique (influence néo-orléanaise d'Anne Rice, racines blues et gospel, références au culte des manieurs de serpents...). Accessible, émouvant et éthéré.
3. Jimmy Smack - Death Is Certain (Knekelhuis)
Véritable redécouverte d'un outsider proche de la scène death rock californienne du début des années 1980. Pourtant, sa musique n'a rien à voir avec ces groupes à guitares avec lesquels il a pourtant partagé l'affiche (Christian Death, 45 Grave). Une boîte à rythmes, des boucles de cornemuse, des synthés et une voix grave et inquiétante dans la veine de Clock DVA, Fad Gadget et Attrition. Une sorte de minimal synth apocalyptique à la morbidité théâtrale.
4. Genesis P. Orridge & Dave Ball - Imagining October (Cold Spring)
Bande originale d'un moyen-métrage très peu vu du cinéaste britannique Derek Jarman, ces quatre titres initialement enregistrés en 1984 sont aussi une redécouverte. Le contexte soviétique et les chœurs masculins mélancoliques pourront évoquer Laibach, et les ambiances dévastées et synthétiques ne sont pas sans rappeler la période Hellraiser de Coil. L'intérêt de ces morceaux se trouve justement dans cet entre-deux. Un climat à la fois héroïque et abattu, entre gloire et désespoir.
5. Urbain Autopsy - Inonu (Rotorelief)
Rotorelief continue son exploration de la scène industrielle française avec ce double CD illustré par Enki Bilal. Album-concept divisé en quatre actes, paru initialement en 1988 en format cassette, il s'agit du travail le plus abouti du groupe. La description d'un monde totalitaire anxiogène. Un travail visionnaire, à l'électronique abrasive, digne des premiers travaux de Cabaret Voltaire ou SPK.