En 1986, Andrew Eldritch (The Sisters Of Mercy) monta à toute berzingue le projet studio Sisterhood, en vue de faire échec à la tentative de deux ex-Sisters, les coquins Wayne Hussey et Craig Adams, de baptiser ainsi leur nouveau projet. Il en résulta un album studio réalisé avec le concours, notamment, d’Alan Vega (Suicide), James Ray et Patricia Morrison (future Sisters Of Mercy). Le premier single, "Giving Ground", sortit en janvier 1986 et Wayne et Craig renommèrent leur groupe The Mission. Fin de cette histoire, dans laquelle nous replongeons aujourd’hui avec Honoris II : un assez formidable tribute aux Sisters Of Mercy et à Sisterhood, deuxième de la série Honoris créée par Unknown Pleasures Records (UPR) et successeur de l’hommage à Death In June paru en 2020.
Parmi les groupes impliqués dans l’aventure Honoris II, un certain A Wedding Anniversary : le projet, responsable de deux albums plus que remarqués sur la période 1989-1993, est l’un des faits marquants liés à cette parution spéciale chez UPR. Sa version de "Giving Ground" est simplement à tomber et la qualité de la forme ainsi offerte au fameux single de 1986 offrait une occasion à peine rêvée de retrouver le groupe. Nous sommes donc partis à la rencontre du leader Marcus "Der Kammersänger / Caspian" Testory, histoire de vérifier s’il se tramait d’autres choses que la reprise des Sisters. Et nous avons bien fait.
Que représente la création de Sisters Of Mercy et Sisterhood dans le background culturel et émotionnel d’A Wedding Anniversary ? Qu'est-ce qui dans ce corps d’art vous a peut-être inspiré pour le travail d'AWA ?
Marcus Testory : Ils étaient simplement nos héros... mais ils n'étaient pas les seuls. Entre Bauhaus, Tuxedomoon et bien d'autres – surtout Siouxsie ! – plus quelques autres collègues très bruyants (Black Flag, Hüsker Dü, Neubauten etc.), les Sisters étaient nos fidèles compagnes. Je dois avouer que je ne pense pas qu'ils aient directement influencé le travail d'AWA, mais d'un autre côté... personne n'est à l'abri. Surtout avec une troupe aussi forte que celle d’Eldritch & co. - peut-être à leur période "Corrosion" plus qu'à leurs premiers jours…
Qui a incarné Wedding Anniversary en studio pour la reprise de "Giving Ground" ?
Le line-up d'origine : Christoph Dominik (anciennement Christoph Aschauer - batterie / rythmes), Issy Fellmann (basse), Valentina Purtscher (nom de jeune fille Grigorov - claviers) et Jürgen Roniger-Kern.
Aviez-vous envisagé d'autres hypothèses de reprises pour Honoris II avec le groupe ?
Pour être honnête : non. Il était déjà clair que ce devait être "Giving Ground", quand Pedro (NDLA : boss d'UPR) a demandé si nous nous joindrons à l'hommage.
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez choisi spécialement cette chanson, alors ?
Tout d'abord, notre producteur du premier album et du maxi CD Asylum, Lucas Fox, a été personnellement impliqué dans la production de l'album original de Sisterhood (NDLA : l’album était une coproduction associant Andrew Eldritch [écriture des titres] et Fox). D'autre part, l'histoire derrière Sisterhood, la chanson "Giving Ground" est aussi déchirante que notre propre biographie. Lorsque nous avons quitté Vienne en 1989 pour déménager à Paris, notre line-up d'origine a été abandonné. De nombreuses années plus tard, nous nous retrouvons et même si la chanson elle-même contient un message très amer, nous en avons fait une chanson de retrouvailles, pour ce qui nous concerne nous.
Votre reprise de "Giving Ground" est, disons-le, assez phénoménale. Alors… simple one-shot ou y a-t-il une chance qu'A Wedding Anniversary, dont les principaux faits d’armes remontent à la fin des 80’s, aille demain plus loin que ces retrouvailles pour Honoris II ?
Nous ne nous sommes jamais complètement perdus de vue, notre amitié est vraie et profonde. Peu importe les conneries que nous avons faites par le passé, nous avons toujours suivi les projets des autres et avons parfois travaillé ensemble, comme Jürgen et moi-même sur Kaspar Hauser Complex. Mais nous n'avons jamais osé célébrer un "nouveau jour de mariage". Car c'est notre fondement, notre biographie. Nous n'aurions jamais pu travailler l’esprit libre et sans soucis car nous aurions toujours eu le passé devant nos yeux. D'une certaine manière, cependant, cela a changé à la fin. Parce que nous ne nous intéressons plus à ce que nous avons fait autrefois, mais à ce que nous pourrions encore faire. Bien sûr, cela a aussi à voir avec le passé, et surtout avec le fait que nous rééditons toutes nos œuvres anciennes pour le 33,33ème anniversaire de notre fondation. Nous aimerions faire plaisir à tous ceux qui ont parcouru ces chemins avec nous et leur rappeler que nous avons passé un bon moment mais... et maintenant vient la partie importante... que nous pourrions encore en passer quelques-uns. Christoph, Jürgen et moi avons discuté de la possibilité d'un spectacle pour notre trente-cinquième anniversaire et nous avons décidé d’en prendre le risque. Avec le line-up original, incluant Tina et Issy. Mais le groupe qui sera sur scène n'aura rien à voir avec le groupe fondé il y a trente-cinq ans. Nous avons tous suivi notre propre chemin, développé notre art, changé. La question la plus importante de toutes est de savoir si cette magie spéciale de l'époque est toujours avec nous. Si c'est le cas, nous ne jouerons pas seulement nos anciennes chansons avec une vigueur nouvelle, non – nous pourrions également en créer de nouvelles. Et peu importe si quelqu'un s'en soucie, ce sera avant tout une démarche d’épanouissement personnel : simplement refaire de la musique ensemble, nous amuser, apprendre les uns des autres et créer quelque chose d'unique pour nous. Mais, comme je l'ai dit, la question est : la chimie est-elle toujours là ? Quant à la reprise, merci pour le compliment. Ce remake était notre premier test "chimique" et d'une manière ou d'une autre, cela a semblé fonctionner...