Aara avance masqué (ça tombe bien en période de pandémie)… Le mystère plane autour de cette formation suisse. Créé en 2018 par Fluss et Berg, le groupe progresse à pas feutrés dans le monde infernal du black metal. Repérés par Debemur Morti (qui a sorti En Ergô einai l’an dernier et l’EP Anthropozän en 2019), proches de Blut Aus Nord, nos larrons distillent des mélodies puissantes et épiques. Ils s’imposent dans un registre féroce, au charme vénéneux. Si les atmosphères mélancoliques sont puissantes, on retiendra la vélocité immense de ces six titres voyageurs, rendant hommage au roman gothique Melmoth de l’écrivain Charles Robert Mathurin. La batterie s’emballe dès "Fathum" et ne lâche l’auditeur que lors de breaks courts, mais essentiels. Pas de chichis, le tempo est extrêmement élevé, et la rage se développe en suivant des lignes de guitare claires. L’explosion menace en permanence, les compositions sont secourues par quelques intermèdes et accompagnements délicats (guitare acoustique sur "Fathum", bruits de vagues sur "Naufragus", choeurs sur "Naufragus", "Nimmermehr", "Das Wunder", dark ambient sur "Effugium"). Le chant de démon seconde idéalement l’excellence instrumentale. Ainsi, l’union fait la force, comme ils disent, et si le chaos pointe, il reste maîtrisé. 
On ne peut que constater une très grande agilité chez ce combo qui décidément a beaucoup à offrir. L’air de rien, la dramaturgie générale de l’opus est fort bien conçue. Les guerriers affûtent leurs armes dans une course à l’intensité et au désespoir cathartique. Les temps morts n’existent quasiment pas dans l’univers d’Aara. On se presse, mais toujours avec le souci de rendre les choses belles. Les tremolo pickings sont souvent lumineux et c’est justement dans les moments assombris que le propos global de Triade I: Eos se perd ("Naufragus"). Premier volet d’une trilogie, on a déjà hâte de headbanger sur le deuxième…
