Fascinante découverte que ce collectif multimédia qui a sévi il y a une quarantaine d'années ! Il faut dire qu'il n'y a pas eu grand chose à l'époque : une cassette en 1983 tirée à moins de 250 exemplaires, quelques performances et une apparition sur la compilation 84 aux côtés de Borghesia et 300,000 V.K. Les liens avec l'esthétique austère et lugubre du Laibach de l'époque sont évidents, mais Abbildungen Variété est finalement à rapprocher davantage des formations post-industrielles à avoir exploré des dimensions rituelles, tribales et dark ambient avant l'heure : Current 93, Last Few Days, Zero Kama, Lustmord, Autopsia...
Originaire de Maribor (Slovénie), ce projet qui a existé moins de deux ans, entre 1982 et 1984, voit enfin l'essentiel de ses enregistrements paraître au format CD, soit cinq titres de la cassette et le morceau qui figurait sur 84. Même si les informations sont rares, Abbildungen Variété aurait compté environ cinq membres (Marko Ornik, Goran Majcen, Branko Mirt, Igor Zupe, Darko Senekovič alias Leonard Rubins) - et, étant donné les liens assez proches avec le Neue Slovenische Kunst, on peut même se demander si des artistes gravitant autour de Laibach n'y auraient pas participé.
L'ambiance générale tient de l'apocalyptique : percussions lourdes, chants funèbres, grincements dignes de bandes originales de films d'épouvante... Entre rituel sectaire et incantations terrifiantes captées au fin fond d'une grotte, le disque s'adresse clairement aux amateurs de climats macabres et hypnotiques. Le plus beau morceau reste sans aucun doute "Republikanski Marš" avec sa mélodie synthétique entêtante digne des pièces au mellotron de Popol Vuh pour Werner Herzog. Le son très brut et la lenteur des cuivres et des tomes participent clairement au charme décharné de ces symphonies des ruines. De temps en temps, des cris émergent pour souligner le caractère tourmenté de l'ensemble. Sur "Evolution" et "Variété", une basse intervient à la façon du "Seven Bastard Suck" de Virgin Prunes, implacable et glaciale, alors que les rythmes deviennent de plus en plus martiaux. Les voix rappellent, quant à elles, les avant-gardes de l'est (Ligeti notamment) comme jouées dans un entrepôt désaffecté par des punks sous Lexomil. On apprécie aussi ce côté un peu bancal ("Kader Urbanosti" avec son final hurlé digne de Test Dept) qui ajoute à l'authenticité de cet enfer sonore urbain. Encore une trouvaille fort intéressante pour alimenter la collection Eighties des défricheurs de Final Muzik.