Le temps des derniers accomodements est semble-t-il révolu du côté de Stockholm. Nous annoncions sommairement sur notre page FB officielle, en début de semaine, la décision prise au sein de Katatonia de poursuivre l'aventure sans son cofondateur Anders Nyström, telle que raportée par "celui qui reste", à savoir Jonas Renkse. Une décision a priori concertée mais à propos de laquelle le "verbe communicationnel" diverge forcément en coloration entre Jonas (chant) et le guitariste, sur le départ. Le communiqué publié par Nyström ce 18 mars 2025 donne un contrepoint intéressant par ce qu'il décrit des causes de la séparation et d'une différence de vision entre les deux hommes sur la manière dont Katatonia entretient sa mémoire et défend le fond de catalogue.
Le communiqué de Nyström fonde essentiellement la décision prise sur la trop relative importance accordée, selon lui et ce depuis des années, aux anciens titres au sein des setlists. Comprenez : ceux auxquels il a été partie prenante plus directe. La tonalité et la forme de la lettre sont révélatrices d'une différence forte de conception entre les cofondateurs sur ce que Katatonia doit exposer de son œuvre et, par là, sur la manière de défendre une histoire. Jonas, fort actif en composition depuis Night Is The New Day, voit ses choix et son travail d'écriture "récompensés" par les setlists du groupe des dernières tournées, tandis que Nyström souhaiterait voir Katatonia embrasser davantage son histoire dans sa globalité. Questions d'équilibre... Ci-dessous, l'intégralité du communiqué du guitariste, que nous vous laissons le soin d'interpréter à sa mesure la plus juste.
"C'est triste, mais vrai. Le moment est venu pour moi d’annoncer que les chemins que Jonas et moi avons empruntés, tant pour Katatonia que pour nous-mêmes, se sont écartés au point de ne plus se rejoindre. En conséquence, notre collaboration, de longue date, touche à sa fin.
Étant donné que nous avons fondé Katatonia il y a près de 35 ans et que nous sommes parvenus ensemble à mener cette aventure si loin, il est inévitable que l’héritage du groupe continue de jouer un rôle majeur dans nos vies et demeure, à jamais, gravé dans le temps — que ce soit à travers le passé, l’avenir ou les nombreux chapitres intermédiaires.
Chacun développe ses propres affinités et une appréciation différente des diverses périodes de travail de Katatonia, qu’il s’agisse des débuts, de la période intermédiaire ou des dernières années. Mais il semblerait que toute volonté de les embrasser dans leur ensemble, afin d’honorer notre histoire à travers des performances live, ait échoué à se maintenir. Cela va sans dire, j’aime toujours tous nos albums, mais après tant d’années d’oubli, un sentiment d’ "inachevé" s’est imposé à moi, comme un appel irrésistible vers nos racines. Je ne peux me défaire de cette conviction que les morceaux de notre discographie ancienne et intermédiaire méritent d’être pleinement reconnus et intégrés à nos shows : cet espace sacré où le passé devrait toujours vibrer ! Malheureusement, cette porte est restée close, reléguant tout ce que nous avons créé avant le nouveau millénaire à un néant silencieux."
La tonalité du communiqué laisse entendre qu'Anders projette de faire vivre une entité live dédiée à la défense des anciens albums, mais l'avenir dira si nous supputons exagérément. Toujours est-il que la suite du communiqué laisse aussi entendre que, s'il n'interdit nullement à Renkse la poursuite des activités sous le nom de Katatonia, Anders ne se retrouve pas à 100% en accord avec cette option. Et qu'il semble vouloir lancer une initiative personnelle en faveur du maintien de la mémoire, pour rappel de paternité :
"En toute logique, avec le départ de l’un de nous deux, Katatonia aurait pu — et aurait peut-être dû — être mis à l’arrêt, laissant ainsi la liberté d’explorer de nouvelles directions sous un autre nom. Mais puisque Jonas a choisi de se réinventer avec de nouveaux membres et de poursuivre son propre chemin, il ne me reste plus qu’à cesser d’attendre où me portera le vent et à me tourner vers ce qui a été abandonné. Après tout, l’héritage de Katatonia repose sur l’ensemble de son histoire.
Quoi qu’il advienne, je tiens à remercier Jonas et mes anciens compagnons pour cette aventure incroyable, qui s’est étendue sur quatre décennies d’une intensité inégalée. Que la bénédiction soit sur vous !"
En début de semaine et avant qu'Anders prenne la parole, Jonas Renkse avait déjà annoncé le départ de son comparse en des termes plus génériques, moins dans l'insight mais respectueux dans son évocation du passé commun. À défaut de résolution, une tonalité de l'hommage :
"Anders Nyström et moi prenons des chemins séparés. Une décision difficile, mais qui s’est imposée comme la seule option réaliste pour que chacun puisse s’épanouir et avancer avec ses propres aspirations créatives ainsi que ses contraintes personnelles. Anders et moi avons fondé le groupe en 1991, et son empreinte sur le son caractéristique de Katatonia est indéniable. Aussi sombre et douloureux que cela puisse paraître, c’est une nouvelle preuve que la vie s’interpose parfois entre nous et les plans que nous chérissions. Je souhaite à Anders le meilleur pour l’avenir."
À l'heure où Katatonia programme une tournée européenne pour l’automne 2025, la situation actuelle semble être celle d'un groupe ressoudé autour de Jonas avec les musiciens actuels a minima, ceux qui ont solidifié le son live de la marque a ces dernières années — à titre essentiel Niklas Sandin et Daniel Moilanen (arrivés respectivement en 2009 et 2015) — et qui restent alors les mieux placés pour défendre l'histoire récente. Il n'est pas à notre connaissance précisé, pour l'heure, si un guitariste sera intégré pour compenser l'absence de Nyström sur scène. En 2023, le congé forcé d'Anders (en raisons d'impératifs personnels) avait été compensé par l'implication de Nico Elgstrand (Entombed AD).
Pour l'ère qui s'ouvre, Jonas Renkse restera le seul membre d'origine à demeurer dans Katatonia. Rien ne meurt, tout se transforme.
