Rien que son allure fait de Marc Roques une figure. Un œil qui vous transperce, et cette impression qu'il laisse sur son passage : attitude de conviction, cette façon de marcher droit devant, le regard qui porte loin, comme si rien ne pouvait le faire dévier de sa trajectoire, de sa démarche sensible. Rien ne peut arrêter Marc et c'est ce qui ressort de la musique hypnotique et texturée qu'il a fabriquée avec tous ceux qui se sont associés à ses efforts, eux-mêmes souvent de fortes personalités. Dans ce son qui n'arrêtait pas d'avancer, vous vous sentiez comme figé. Aujourd'hui, nous avons une pensée pour toutes celles et tous ceux qui aiment Marc - et une pensée particulière pour ses cohortes dans le collectif multimédia Wild Shores (une étude post-industrielle et pluridisciplinaire démarrée au début des 90's), feu Evelyne Hebey et notre cher Fred Nouveau.
Sur scène, Marc est comme dans la vie : il ne démontre que par sa concentration sur l'objectif. Un expérimentateur, et surtout un méticuleux. Physiquement, il bouge assez peu derrière sa machinerie, concentré qu'il est sur l'objectif - et en même temps, vous le sentez habité par le désir, par une tension. Faire à moitié ? Aux autres ! Dans ce qu'il a fait pour lui ou au service d'autrui, il y a toujours une ambition, un sens de l'orfèvrerie. Phase Pattern et Wild Shores resteront dans nos cœurs, ainsi que le festival expé/electro ArtOoz qu'il a fait naître et perdurer avec ses fidèles. Des moments qui, au CCM John Lennon (Limoges) ont marqué en profondeur tous ceux qui y ont participé, et notamment ces soirées du début des années 2000 où jaillirent sur la scène du CCM Coil, Genesis P-Orridge, Michael Gira (Swans) ou Ah Cama-Sotz, entre autres.
La nouvelle de sa disparition, survenue le 1er février 2023, laisse un grand vide à l'intérieur et autour d'Obsküre. Nous ne remercierons jamais assez Marc pour ce qu'il nous laisse : ces sons hypnotiques et qui ouvrent l'espace, ces ambiances profondes, ce sens de l'intégrité en art et - comment l'oublier - ce rejet viscéral de tout ce qui peut ressembler à la bêtise humaine ou à un troupeau de moutons de Panurge. Ton œil, celui de la voracité lorsque pleinement ouvert, presque inquiétant, cette ineffable tendresse revenant dès qu'il se plisse sous l'effet de ton sourire... nous n'oublierons pas les moments que nous avons passés avec toi Marc, même si, soudainement, nous réalisons que nous ne les trouverons, à jamais, que trop rares.
