Un groupe peut-il survivre au départ de son chanteur ? Certains s’y sont risqués avec succès et pour d’autres, cela a été synonyme de gros échec. Les suédois d’Agent Side Grinder ont vu leur charismatique chanteur Kristoffer Grip, dont la voix caverneuse faisait partie de l’ADN du groupe, quitter le navire début 2017 avec deux autres membres du groupe. Le combo était alors dans une période faste suite au succès de ses deux derniers albums, Hardware (2012) et Alkimia (2015), et avait trouvé un équilibre musical en mêlant habilement la raideur du post-punk et les sonorités 80’s.
Agent Side Grinder est à présent un trio, Johan Lange et Peter Fristedt sont les seuls rescapés de la formation originelle et c’est Emanuel Astrom qui assure désormais le chant. La nouvelle version du groupe est clairement orientée vers des sonorités plus électroniques, comme en témoignent les deux premiers singles « Doppelgänger » et « Stripdown » présentés bien en amont de la sortie de l’album, où la basse a été délaissée au profit des boucles minimalistes et des synthés. Le chant d’Emanuel Astrom est certes moins hanté que celui de son prédécesseur, mais il se marie plutôt bien avec cette nouvelle direction... même si sur ces deux premiers singles, elle ne parvient pas à convaincre pas totalement.
Les doutes s’estompent un peu au moment de découvrir l’album grâce au titre d’ouverture, "In From The Cold", qui vient tout de suite changer la donne: beat angoissant, atmosphère métallique et sombre. "Decompression" continue sur cette voie en lorgnant du côté de l’indus avec un grognement lugubre répété tout au long de la chanson avant que de magnifiques cordes ne fassent leur apparition en fin de morceau. L’une des plus belles réussites de l’album est "Allisin Sane (N°2)", véritable tube EBM, où Emanuel Astrom démontre toutes ses qualités de chanteur.
Le groupe suédois avait fort à faire en cherchant à se réinventer tout en préservant l’âme d’Agent Side Grinder. Globalement, même s’il est moins incisif que les albums précédents A/X ne s’en sort pas si mal, avec des titres efficaces, taillés pour les clubs, à l’exception de "MM/CM", clairement raté avec sa voix robotique à la Daft Punk. Ce qui manque à l’album est sans doute la petite touche d’émotion qui fait la différence à la manière d’un "For The Young" ou d’un "Last Rites". Il y a bien une tentative sur le morceau final "Wounded Stars", sur lequel la voix de Sally Dige vient apporter un peu de douceur mais qui ne parvient pas à emporter complètement.
Un album inégal donc, qui fait parfois un grand écart périlleux entre une synth-pop très orientée Depeche Mode et une EBM plus rugueuse, l’enchainement maladroit entre "Stripdown" et "Allisin Sane N°2" en est assez symptomatique. Pour autant, certains morceaux valent vraiment le détour.
Ne reste au groupe qu’à trouver le juste équilibre pour la suite.