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Album
01/04/2021

Alice Gift

Alles Ist Gift

Label : Cymbeline Records / No Emb Blanc
Genre : post-emo / cold / shoegaze
Date de sortie : 2021/02/26
Note : 80%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Un petit maître en la matière ! L'homme androgyne Alice Gift revient sous une formule solo (après Velvet Condom et Liste Noire) pour délivrer un album évident et splendide. Les fans de musique ciselée, entre pop, rock, cold et shoegaze, vont trembler de plaisir.

C'est toujours frappant d'entendre comment on réussit un tube instantané. "Trance Park" est porté par une basse bien sourde, mais un poil trop discrète, et des guitares cristallines accompagnent à la Field Mice une voix sensuelle qui souffle délicatement son poème. Les solos joués au note à note et quelques vibratos pour ajouter un surplus de charme : la magie opère avec un rayon de soleil printanier. Rien de neuf, c'est du déjà entendu, ça coule tout seul avec cette désillusion adolescente dans la voix. Les guitares qui entament "Glow" sont réglées comme celle de "M" de The Cure, mais pour un morceau qui bascule dans le post-émo à la Troy Von Balthazar ou à la manière dont The Jesus And Mary Chain avaient contourné la fin des années 90 ("Nudity" m'y fait penser, même si une seule composition d'Alice Gift cumule les idées de trois ou quatre titres de la famille Reid). La suite du riff en dégringolade et remontée mineure est belle, mélancolique et rageuse sur quelques pointes. La voix aime le murmure et les envolées sirupeuses et pétillantes ("Water Sign Love", batterie malmenée en échos ouatés). Le Français expatrié à Berlin chante "Jeunesse dorée" dans notre langue, titre faussement minimaliste, aux intonations réalistes et poétiques (du Dominique A, un peu de Fréhel), assez étrange dans sa progression vers une chanson pop-variété bien casse-gueule et gonflée. "Denial" mêle habilement français et anglais, piano et saturations pour clore orchestralement ce disque bien dense.

Les sonorités bénéficient d'une recherche du détail qui met en avant les dualités internes à la personnalité de l'artiste ; assez souvent la beauté du son est salie par des aspérités, des rugosités, de légères saturations, ce qui maintient son écriture un peu éloignée des références à la Lightning Seeds. On a là un croisement avec My Bloody Valentine (la construction alambiquée de "Fatherland", titre un poil trop maniéré et qui manque d'une mélodie plus forte), perceptible dès que les claviers se mettent à vibrer et que la musique se pare de dissonances et vagues, comme sur l'efficace "Pygmalionne", tableau des mélancolies ravageuses.

Avec facilité dans l'écoute, et grâce à des choix cruciaux et affirmés de composition et d'arrangements (aides précieuses de Sylvain Livache et Joe Joaquin), Alice Gift s'offre une nouvelle fois à nous, incarné sous son propre nom cette fois-ci. Il reste à espérer un passage sur scène dans les prochains mois pour partager les émotions ici posées.

Tracklist
  • 01. Eutopia
  • 02. Blue is not your Color
  • 03. Trance Park
  • 04. Water Sign Love
  • 05. Glow
  • 06. Fatherland
  • 07. Nudity
  • 08. Pygmalionne
  • 09. Jeunesse dorée
  • 10. Denial