Lieu connu, une impression familière qui traîne à l’entame. Ce groupe, qui s’est un temps fait remarquer pour son dépouillement, vous le reconnaîtrez. L’aurore, c’était du temps de sa signature chez Cold Meat Industry : label culte s’il en est, maison suédoise et marqueur des musiques ambiantes et industrielles. Quelle fierté peut aujourd’hui encore porter son créateur, Roger Karmanik (Brighter Death Now) !
Le projet darkwave / neofolk italien avait publié ici, ainsi que sur l’autre label phare Projekt, plusieurs formats longs ; mais le silence, depuis des années, s’était installé. C’est fini. Onze ans après Decade, dernier format EP connu, le groupe retrouve une lumière. Il a d’abord travaillé sur des projets de réédition avec un label chinois (le premier opus As You’re Vanishing In Silence, remixé pour l’occasion) et, aujourd’hui, fait son vrai comeback, avec un vrai disque, sur une autre maison au genre affirmé et elle-même bien connue : Cyclic Law, un temps basée Outre-Atlantique et aujourd’hui nichée en Europe.
Chemin de croix ? Pas forcément. Le groupe italien, et il faut peut-être le préciser (le doute est toujours permis), n’a jamais abandonné la partie. Simplement, une famille se construit et la vie a ses temps. En 2021, le retour passe par Untitled, collection inédite de onze compositions originales. All My Faith Lost… y redéploie, sous l’influence du nouveau guitariste Angelo Roccagli, un minimal attirail : guitares brumeuses et économes, voix en apesanteur et hors de toute velléité technique. Simple appareil : c’est un groupe qui ne triche pas, enregistre en simplicité et creuse les profondeurs. Sentiments enfouis, références mythologiques : images de l’intériorité, sublimation de l’histoire des hommes. Déploiement de références mais tonalité anti-démonstrative. Les ambiances sont là et ne s’imposent que par leur sobre nature, le groupe affichant une aspiration climatique dès l’introductif "Violent Dreams II". Un boisement, dépouillé : les cordes sont signées Fabio Polo. Le piano enrobe à peine et les réverbérations font le reste ("We all die sometimes").
C’est en 2021 la poursuite d’une aventure, et All My Faith Lost… cadre : il ne se prive pas de rappeler l’influence prégnante et actuelle de la peinture surréaliste sur son travail. Car c’est sous l’influence des tableaux de maîtres que sont nées ces nouvelles chansons, composées sur plusieurs années et où se remarque la présence vocale de Viola Roccoli. La chanteuse, plus adepte d’art moderne que d’aucuns le pensaient peut-être, va plus au front que par le passé. Sans monopoliser l’espace, sa voix s’impose et participe, à sa manière, à insuffler au projet un renouvellement.
Le résultat, dans sa globalité, est souvent plus probant que par le passé. Ce sont les vertus du temps, la force d’une expérience ("The Inconvenience of Spirits"). Et puis une boucle donne l'impression de se boucler : les anciennes gloires de feu le label suédois se retrouvent fatalement sur le fond de catalogue des nouveaux labels porte-étendards de la cause, et ils ne sont pas légion. Cyclic Law est de ces deux-là, aux côtés de Cold Spring. Non contentes d’entretenir la mémoire, ces spécialistes permettent aux artisans que nous croyions disparus de ressurgir au monde et recréer l’émerveillement. En l’occurrence, il se colore d’un spleen prégnant et le son crée un décalage : All My Faith Lost… prend les chemins d’une tonalité rêveuse qui, tout le long d’Untitled, fait plaisir à entendre. Tonalité acoustique pour collection tenue : un groupe clair sur ses intentions, maître de sa vibration.