Tout commence par un rock sombre, "Messiah". Un groove mystique - et même si nous avons moins envie de le dire pour lui que pour certains des aplats suivants, terriblement... britannique. Au cœur s’installe une voix : celle de Drew Freeman (Sweet Ermengarde), dont la gravité et l’esprit dégagent une conviction intérieure et un grain qui a quelque chose, là encore, de familier. Puissance référencée. Au petit jeu des influences, les mystères ne tardent guère à se dissiper, quand bien même cette musique contiendrait les siens en propre... et elle en contient, elle a une cinématographie.
Les guitares, bien découpées dans le mix, créent des masses émotionnelles. Leurs phrasés restent globalement épurés : le groupe ne donne pas l’impression de bavarder, veut fixer une substance. Cette assise se ressent dès les premières minutes, et l’écoute des titres suivants va amplifier le sentiment. Car "Messiah" a beau initier le parcours, il n’est paradoxalement pas le titre le plus fort, à notre sens, de l’ensemble. Le suivant, "Enlighten Me", consolide une optique : ce rock sera porteur d’ambiances, et les ambiances seront élévatrices. Le troisième morceau, lui, contient cette énergie rock qui, fatalement, vous galvanise ("Every Corner of Light").
Nous nous trouvons ici dans cet océan du rock sombre à la surface duquel affleurent depuis des décennies des noms qui, ici, inspirent respect : Dark Horizon (et leur album No Gods On Earth), NFD, Sweet Ermengarde bien sûr. Vous cherchez encore vos repères ? Écoutez les premiers arpèges de guitares qui dessinent les grandeurs du lent et dantesque "White Moth". Un décorum est posé : les adeptes de son gothique eighties y retrouveront leurs petits, surtout si Fields Of The Nephilim font partie de leurs références principales. Difficile de ne pas penser, à ce moment précis, aux ambiances du titre éponyme de 2005, "Mourning Sun", couché par Carl McCoy et un certain John Carter... lequel a rejoint (aux guitares live) All My Thorns sur la période récente. Les hasards n’existent pas, et si vous ne pensez pas à "Psychonaut" en écoutant les basses du prenant "Dreamscape", c’est que vous mentez.
Mais le son signé All My Thorns ne se résume pas, pour autant, au produit d’une influence visible et majeure. Quelle que soient nos passions pour ce sillon que creuse aujourd'hui encore le rock gothique, les quelques inclinations métalliques que se permet le groupe approfondissent autre chose, et intéressent ("Deception / Three Years Reign", "Earth Woman")
Composé pour ces travaux, outre Freeman (gorge claire aux vibrations nephilimesques mais surtout, habitées et crédibles), des personnes de Pete Fey (guitares aériennes et puissantes), Korv Sutch (basse) et Mick Commons (batterie), All My Thorns réussit à poser une intention claire avec ces enregistrements réalisés au studio de Pete. Mixé par Steve Carey (résultat équilibré et évocatoire), le son mérite encore quelque affinage pour certaines formes synthétiques. Pour autant, cette collection de compositions originales est de nature à apporter baume au cœur à tous ceux que navre l’abstention créative de McCoy & co., tout en développant de la personnalité dans certains aplats. Un plan colorimétrique transparent et assumé ne veut pas dire que vous n’avez rien à dire, ni que vous n'émeuvrez pas. Et le cœur chavire souvent à l’écoute de Further From The Distant Sun.