Oh le bel objet ! Voici la toute première réédition du cultissime premier album d’And Also The Trees sorti en 1984 et produit par Lol Tolhurst (The Cure). En bonus, un deuxème vinyle de démos (présentes également dans la version CD, bien sûr) éditées en 1982 en K7 sous le nom de From Under The Hill plus les deux premiers singles du groupe parues en 1983 et 1984, "Shantell" puis "The secret Sea".
Jamais groupe rock ou cold n’avait aussi bien décrit la nature, les cimes, les cieux avec autant de romantisme noir. Et jamais groupe de rock n’aura été aussi proche du spleen baudelairien. Le vague à l’âme, les méandres labyrinthiques de l’essence humaine y sont merveilleusement illustrés en paroles et musique. Les éléments, en particulier le souffle du vent dans ce premier jet, la passion dévastatrice présente dans nombre de chansons, et l’ambiance fantastique ou surnaturelle, tout cela rappelle la poésie de l’auteur des Fleurs Du Mal, mais aussi une œuvre telle que Les Hauts De Hurlevent. Les frères Jones et les frères Havas, à l'heure de la création de ce premier arbre aux feuilles luxuriantes, sont des provinciaux tourmentés issus d’Inkberrow. Ce petit village du Worcestershire est certainement aussi orageux que le tempérament de ces jeunes musiciens affectés, un brin poseurs mais au très bel esprit et qui pourraient bien en effet être l’incarnation musicale des personnages nés de l’imagination romantique d’Emily Brontë.
Chaque branche de cette luxuriante arborescence est un tableau. Des images nettes et précises se dessinent, notamment avec "Shrine" (sorte de brouillon de "Gone like The Swallows", futur hit de leurs intenses concerts , mais en bien plus surprenant, baroque et original) avec cette paysanne agenouillée devant l’autel. "The peasant Girl kneels", des mots simples mais tranchants, qui se détachent dès le premier break surprenant de cette flamboyante ballade onirico-mélancolique. De même, "She craves to swallow you" (dans "Twilights Pool") sont des mots qui vous hantent longtemps après la première écoute.
Il faut dire que la voix de Simon Jones y fait beaucoup, charismatique en diable, tendue, à bout de souffle, toujours fiévreuse. "So this is Silence" qui ouvre le disque demeurera sans doute leur titre le plus post-punk, malsain et frénétique. Mais d’autres chansons bouillonnent tout autant, tel "The Tease the Tear", qui flirte carrément avec la batcave. Et que dire d’"Impulse of Man", qui réussit à mêler au sein d’un même morceau une impétuosité débridée, une rage véhémente et une terrible humeur noire et neurasthénique sous-jacente. Ce sont pourtant d’autres rameaux qui font toute la singularité de ce premier bourgeon des frangins rêveurs. Il s’y dégage une inquiétante étrangeté assez rare sur disque, notamment sur "Midnight Garden". La peur s’y exprime largement et souvent de manière très claire, le terme "fear" étant un mot clé de ces débuts vinyliques. Cet effroi contrit et ces angoisses s’associent souvent au mutisme ou à la catatonie, mais c’est tout de même le disque le plus effrayant et angoissant d’And Also The Trees qui, album après album, s’assagira, se faisant de plus en plus lyrique et beaucoup moins agressif, punk et industriel.