Surprise sur prises ! Anna von Hausswolff nous fait le coup de l’album de la transition. All Thoughts Fly est une œuvre instrumentale déroutante, charmante, puissante. De drone en ambient passive, de psychédélisme lumineux en avant-garde modeste, ce cinquième opus est intelligent, nappé de sentimentalisme et de rêveries antiques. Car il se veut un hommage au Sacro Bosco (cf. la pochette), un jardin énigmatique créé au seizième siècle en Italie, composé de sculptures mythologiques grotesques ; atmosphère d’un autre temps, une brume historique magnifiée dans le clip de "Sacro Bosco".Comment l’esprit d’un lieu peut aussi bien embaumer une expression musicale ?
La réponse se trouve peut-être dans l’idée de "l’importance du partage pour survivre". Les ruines nous réconfortent et nous incitent à toujours espérer d’atteindre l’essence de l’amour. Ce rapport au passé est également prégnant à travers l’utilisation d’une réplique d’un orgue ancien, rendant grâce aux mânes renaissants le long de ces sept pièces oniriques. L’expression est délicieuse, nul autre appareil ne vient troubler le chant de l’instrument. 
Sans être farouchement sombre, All Thoughts Fly propage une tendre mélancolie, un trait remarquable de l’art de la Suédoise. La sobriété qu’elle a choisie fait mouche tout en évitant l’écueil de l’austérité brute. Si certaines passes pèchent par pudeur et expérimentation absconse ("Sacro Bosco", "All Thoughts fly"), la barre est vite redressée, les notes minimales emplissent l’espace avec chaleur, nous permettant d’observer avec un œil neuf notre monde délétère. On relèvera quelques montées statiques à la Sigur Rós ("Persefone", "Outside the Gate (for Bruna)") et l’excellence de variations infimes invitant à une transe éthérée ("Theatre of Nature", "Sacro Bosco", "Persefone"). Une musique contemporaine pas si funèbre qui navigue même dans les eaux répétitives de Terry Riley et Steve Reich le temps d’un "All Thoughts fly" hypnotique, long et concis à la fois.
