On connaît surtout Anthon Shield pour ses compositions pour le groupe phare de la cold wave Norma Loy, mais il a aussi produit un certain nombre de cassettes plus électroniques et minimales dans les années 1980, notamment avec son comparse DZ Lectric. La Fraternité, initialement paru en 1984, fait partie des ces enregistrements très recherchés. Inquiétants, rituels, grouillants, les morceaux anticipent un titre comme "Replicants" et on trouve aussi une version de "It’s Christmas" et "Romance" ici, mais bien différentes des titres originaux. Sexe, spiritualité, obscénité, télévision, morbidité, les thématiques restent proches de celles de Norma Loy mais avec une dimension plus ambient et post-industrielle. Orgues répétitives, traitements vocaux à la Throbbing Gristle ("TV Doll"), bandes séquencées, bidouilles électroniques dignes d’un Parmegiani ("Tutuguri"), le climat est tourmenté, et ces expérimentations se redécouvrent totalement en raison d’un grand travail de nettoyage et de masterisation pour cette édition vinyle limitée, colorée et accompagnée d’un poster sérigraphié.
Même si l’univers reste à dominante bruitiste, Anthon Shield n’oublie pas les mélodies synthétiques ("Cum to the Eye"), parfois marquées par le son cosmique allemand (l’hyper planant et brumeux "Marie Sodomée"). "Radio" s’apparenterait presque à une electro japonisante tout en se mêlant à l’ambiance étrange et ivre de l’ensemble. Les morceaux développent tous une dimension obsessionnelle, plus ou moins nerveuse ("Tell me You’re a Whore" qui rappelle fortement le travail avec DZ Lectric) ou hypnotique ("Assomption", plus proche du dark ambient). Impossible de nier la singularité de cette Fraternité, à la fois bricolée et possédée.
