Bauhaus : naissance à Northampton, en 1978. Acte de décès : 1983.
Ils nous ont déjà fait le coup du retour. Deux fois.
La première, ça a donné des performances dantesques, et ceux qui ont vécu la performance de Paris d’avant la sortie du live Gotham en parlent encore avec émotion. C’était en 1998. Plus de vingt ans, déjà.
La deuxième tournée (2005, nous y étions) n’a pas forcément laissé les mêmes souvenirs mais plus tard, il y eut un nouvel album studio. Hétérogène, diversement apprécié, il eut au moins le mérite de représenter Bauhaus sous l’apparence d’une entité créative, ce qui l’extirpa d’un statut de (vaillant) commettant d’une reine nostalgie. Ce faisant, Bauhaus se rendit plus service qu’autre chose, mais ce fut pour déboucher… sur le vide. Une nouvelle fois, les frictions internes eurent raison de l’avenir. Go Away White : et tout s’envola, poussière et fibres de lumière.
En 2019, Bauhaus revient, une nouvelle fois. Peter Murphy, remis de problèmes cardiaques, avait peut-être annoncé quelque chose sans trop le dire en remerciant ses collègues de Bauhaus lors d'une déclaration de son retour à meilleure forme. Le chanteur est peut-être moteur dans cette affaire, qui sait - mais réunir Bauhaus est et reste une décision qui se prend à plusieurs. Qui a allumé la mèche, quand et pourquoi ? L’histoire ne le dit pas mais l’investissement du bassiste David J aux côtés de Murphy, sur certains concerts hommages récents (40 Years Of Bauhaus), pouvait laisser entrevoir des possibles.
Étonnant ? Pas réellement. David est attaché à l’œuvre (le livre Who Killed Mister Moonlight?: Bauhaus Black Magick & Benediction, 2014) et Peter, incontestablement, est de ceux qui parmi les membres du groupe a toujours, et quoi qu’il advienne, persisté à faire vivre l’héritage de Bauhaus sur scène… à la différence de ses autres collègues, plus discrets à ce sujet, quoique pas muets non plus (cf. par exemple l’expérience Poptone de Daniel Ash & Kevin Haskins). Les setlists dédiées à Bauhaus sont légion à l’inventaire des performances récentes de Murphy, et la vaillance de ses musiciens solo faisait que pas grand-monde ne se plaignait de rien. Ce soin-là, honnêtement, valait bien mieux que rien du tout, et les traces live le disent.
Il n’empêche, car cela donne avec eux toujours un peu l’impression de sortir de nulle part : à l’annonce du nouveau retour, la surprise a secoué ce monde qui voit en Bauhaus bijou précieux : en 2019, oui, le quatuor auteur d’In the Flat Field et Mask allait rejouer. Plusieurs shows programmés à l’Hollywood Palladium, dont la première salve s’est déroulée les 3 et 4 novembre derniers. Prochaine (et dernière ?) date le 1er décembre 2019.
De l’avis général des commentaires – confirmés en substance par les vidéos bootlegs ayant pu être vues ici ou ailleurs – le groupe affiche cohésion et force musicalité. Mais alors, quel avenir ? N’est-on jamais et rien que dans l’instant ? Est-il possible de ne pas "s’avancer" ni "prédire" ? Ce postulat est-il lui-même concevable, acceptable pour quelque membre de l’auditoire que ce soit ? Ou alors – et c’est fort possible, car logique – un entourage professionnel œuvre-t-il en sous-main pour le maintien de l’expérience live Bauhaus ? Cette histoire est celle des musiciens, de l’arrière-scène, de leur interaction avec un management, un music business. Pas la facette la plus poétique. C’est le méli-mélo organisé qui, dans l’ombre, permet à une offre de satisfaire une demande.
Alors on se pose la question, assez humblement : même si des musiciens tels que ceux-là ont la bouteille, même si nous les savons en capacité de retrouver de vieux réflexes et de rasseoir une musicalité en quelques répétitions seulement, prend-on le temps et la peine pour un groupe tel que Bauhaus de remonter un set live si ce n’est dans un espoir autre que la tenue de quelques dates symboliques ? Refaire signe de vie, réexister pour ensuite revenir au néant ? Quel sens faudrait-il donner à cela ? La réserve du groupe dans les commentaires dispensés autour des dates peut au contraire laisser supposer qu’ils se nichaient jusque-là à un poste d’observation et d’attente. Entretenir mystère, rien de tel pour raviver le désir. La frénésie avec laquelle les billets sont partis pour les premières dates n’a pas forcément dû les surprendre, ni eux ni… leur entourage professionnel. Dès lors, quelle suite ? L’appel de la sirène y est - et une réponse cohérente consisterait bien évidemment à tourner et défendre, de nouveau et aussi bien qu’au Palladium, un héritage à la mesure espérée forcément par le public.
Si rien de devrait se produire de plus, il ne resterait plus qu’à voir ces dates comme la satisfaction éphémère de besoins exprimés en interne par certains des musiciens. Brûler quelque minutes de désir collectif… pour mieux sacrifier Bauhaus sur l’autel des vanités ?
Le groupe, son héritage et son public méritent forcément mieux que cela.
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Remerciements :
Debi Del Grande, pour l’autorisation à utiliser ses photos, si belles, de ces nuits à marquer au fer rouge. Elles furent dures à prendre ces photos, n'est-ce pas Debi ? Ça secouait ?
Les images sont là désormais, et elles nous laissent imaginer la force de l'instant. Merci.