Vous vous rappelez de Midsommar ? Mais si, le folk horror movie d’Ari Aster (sorti en 2019) où de gentils Américains se faisaient gentiment zigouiller par une communauté païenne en Suède ? Ah, je sens que ça vous revient ! Même ambiance ici. Posons le décor : les brumes nordiques s’installent, la pénombre s’étend, enveloppant nos pauvres âmes mortelles pour les guider vers un néant infini… Ces cinq morceaux initiatiques nous convient à un sabbat antique, portés par les psalmodies funèbres de nos trois musiciens (dont Per Åhlund de Skare, Diskrepant, Karjalan Sissit [pour le live] et ancien membre de Sophia).
La musique déployée sur Vattenhålens Dräpare s’apparente à un voyage dark ambient halluciné, nourri de textures sourdes et vaporeuses et de quelques éléments rythmiques ingénieux ("Skuggan", "Hotet"). Les atmosphères sont extrêmement évocatrices, Beckahesten parvient efficacement à nous plonger dans leur univers effroyable (voire impitoyable !). La trame des compositions est excellente, les sonorités sont judicieuses et nous ne pouvons que saluer la remarquable cohérence stylistique du disque. Néanmoins, nous reprochons la surenchère macabre que l’on trouve sur "Skuggan" et "Dödsfålen". Indus moite, effets faciles, ces titres s’avèrent moins bons. Les Suédois tentent un peu trop de retranscrire une vision musicale simpliste de l’Apocalypse. Mais dans l’ensemble, on constate un potentiel énorme chez ce groupe (le talent est là, rien à voir fort heureusement avec Pazuzu…).
"Hotet" est la pièce maîtresse de ce court opus (trente-sept minutes). Le chamanisme scandinave s’y exprime de belle manière, l’aspect hypnotique de la transe rituelle est superbement mis en avant. Le chant de Viktoria Rolandsdotter est sublimé, avec ce côté traditionnel savoureux. Passage vers l’au-delà, l’expérience évoque le récent et très réussi one d’Ian Arkley. Une belle sortie, le cent cinquante-cinquième cycle du label tient ses promesses, Beckahesten se pose en digne descendant de Zero Kama.