À l’aube des années 1980, Ian Craig Warsh et Martyn Ware s’exilent. C’est est fini, pour eux, de la prometteuse aventure The Human League. Ils viennent de mettre la patte à deux albums successifs du groupe, Reproduction (1979) et Travelogue (1980) - mais Phil Oakey garde la barre tandis qu’eux s’autonomisent et se lancent dans la fabrication d’un son une nouvelle fois à part : hypnotique, rêche, minimal. L’âme des expérimentateurs, et l’art pop à d’autres.
En 1981, par ses premières esquisses, ici rassemblées et originellement sorties au format k7, B.E.F. signe un electro-funk typique de ce que les débuts des années 1980 expérimentèrent : un mix d’influences noires et de grisaille urbaine. Dans le genre, B.E.F. fit preuve d’exotisme : le lyrisme que se permet la guitare basse pigmente d’un groove extrêmement funky des fondations un brin austères. Comme par hasard, le titre en question se nomme "Groove Thang" (et forme une base pour les expérimentations futures de leur autre projet, Heaven 17). Ces types ont le sens de la formule, et une certaine Angleterre se reconnaîtra dans l’exercice. L’afterpunk a rassemblé pas mal de bidouilleurs, d’aventuriers.
B.E.F. est poreux au psychédélisme : non qu’il en fasse une substance maîtresse de son art, mais les effets de bulles qui apparaissent dans ces instrumentations de synthèse vous transportent vers des espaces célestes que vous n’auriez sans doute pas atteints seul, sauf intermède tel le songe ("The Old at Rest"). Le binôme fait de l’expérimentation sa marque, et la tente tout le long de ces sculptures premières. La forme peut découler de jeux d’échos ("Rise of the East"), ailleurs crée nuit pluvieuse ("Decline of the West"). Music For Stowaways, ou la naissance d’une vision rappelée aujourd'hui à notre bon souvenir par l’archiviste Cold Spring. Un jeu de formes atypique – et ce n’est que le début.