Cryo Chamber a décidément du nez ! Ce label créé par Simon Heath (Atrium Carceri) a su dénicher le talent de Pierre Laplace. Sous le nom Beyond The Ghost, le Français, par ailleurs membre de The Sandman’s Orchestra, avait fait paraître en septembre dernier le réussi You Disappeared, son premier album. Il revient avec Eternal Drift.
Le style du projet reste pleinement en accord avec l’esthétique de la maison de disques, soit une dark ambient puissamment évocatrice et cinématique. Neuf titres ici, une heure de bande originale imaginaire lugubre et chargée d’émotions. Alors bien sûr les gimmicks du genre ressortent : enfer indus crispant ("The slow Agony of Solitude", "Nebulous Beings"), sonorités malveillantes et dramatiques ("Threnody", "Becoming one with Darkness"), field recordings d’outre-tombe et fulgurances noise ("Becoming one with Darkness", "Surrender", "Eternal Drift"). Mais là où certains (vous les reconnaîtrez) s’enfoncent dans une lourdeur macabre souvent indigeste et puérile, le musicien parvient à offrir des respirations judicieuses et bienvenues. Le piano, traité ou plus naturel, remplit parfaitement son office, distillant des notes apaisées et mélancoliques, par exemple sur les morceaux à la beauté sidérale "The slow Agony of Solitude" et "Eternal Drift".
Ainsi, si l’on retient facilement l’adjectif dark (la fournaise béante des ténèbres nous saisit dès l’ouverture), le Lillois ne néglige pas la simple ambient. Des nappes harmonieuses de "Here but not here" (sur lequel on entend également le violoncelle de Nicolas Fahy) jusqu’à l’onctuosité sonore d’"Eternal Drift", le maître évoque des atmosphères somme toute relativement variées. On ne peut que constater la grande maturité de cet artiste et une certaine ouverture musicale (on relève une pointe de Berlin School sur "Nebulous Beings"). Si la figure tutélaire de Lustmord rôde ("Becoming one with Darkness"), Laplace parvient à affirmer sa personnalité et à produire des textures de très grande qualité.