La disparition des ancêtres peut être organisée. L’oppression est une technique comme une autre, et dans ses formes les plus brutales et graves correspond à une éradication physique organisée. Après tout, l’Histoire nous apprend que l’homme n’en est pas à une horreur près, alors même qu’il s’oublie dans cette barbarie : autant de possibles supprimés, de manières de concevoir et d’appréhender le monde, le vivant, l’esprit. Ne dit-on pas "scier la branche sur laquelle…" ?
Le nouvel EP de Blac Kolor, Roots, se concentre sur la manière dont le monde occidental a appréhendé ceux qu’il a considérés comme les "primitifs", à travers le sort qu’il leur a réservé. Un sort funeste. L’indigénat, rappelons-nous, a été le nom du régime administratif imposé aux peuples colonisés par l’empire à cheval sur les XIXème et XXème siècles.
À travers les quatre titres composant Roots, Henrick Grothe a exhumé par sa technologie une vibration tribale et qui se refuse à mourir. Ce feeling ancestral que transporte le machinisme de Grothe, salvateur, gagne ici une forme que d’aucuns rapporteront à l’EBM et qui se nourrit des formes de son perçues comme premières, pour ne pas dire essentielles (fond de notre pensée). Le résultat est massif, puissant, dansant ("Hakra"), chargé en basses ("Teton", projection sur les Sioux). Il vient des profondeurs (chamaniques sur "Ujunbater"). La répétition des motifs, leur tourbillonnement, jusque dans les voix ("Kecak"), la force des rythmiques et la puissance des climats de Roots fait de ce format court une petite odyssée. Ce qui a été éradiqué affleure à la surface du son et prend la forme de rituels qui nous ramènent, invariablement, à une inextinguible aspiration de l’homme : approcher par le son l’absolue et indicible vérité du vivant.