Les Grands Anciens se réveillent, fuyez tant qu’il est encore temps… Vindsval et compagnie invoquent avec ce Disharmonium la mythologie lovecraftienne dans toute sa dimension poisseuse. Les champignons magiques d’Hallucinogen ont été gobés et (mal) digérés. Retour au black metal le plus fiévreux. La carrière féconde de Blut Aus Nord est émaillée de fulgurances, de génie expérimental et d’une vision résolument avant-gardiste. Ce quatorzième album impose une thématique et un style linéaires. Hormis quelques intermèdes, une ligne extrême sans concession est suivie ; une oppression sonore de quarante-sept minutes. Les blast beats de W.D. Feld mènent la danse, secoués de quelques breaks malaisants. Ainsi, des parties mid-tempo ("Neptune’s Eye", "That cannot be dreamed") renforcent l’aspect musical délétère général.
Car Disharmonium est un disque qui vous happe, vous obsède. Les guitares indus vrillent les tympans et vous entraînent au fond de l’abîme. Perdus dans un gouffre froid et humide, Cthulhu vous serre la gorge avec ses horribles tentacules. Vous implorez, mais personne ne vous entend… L’écho des psalmodies ("Chants of the deep Ones", "Tales of the old Dreamer", "Into the Woods") ne peut lutter face à ce chaos métallique grinçant. L’opus est une aventure cauchemardesque magistrale. La science des atmosphères du combo français s’illustre plus que jamais. De "Chants of the deep Ones" à "The Apotheosis of the Unnamable", tout est pensé pour créer une unité de ton. Les repères spatio-temporels sont éliminés pour ne conserver que cette sensation permanente d’effroi. Un essai moderne dans sa production très ample, où surnagent quelques éléments post assez savoureux ("That cannot be dreamed", "The Apotheosis of the Unnamable"). Le concept global est maîtrisé, les voix sont rares et utilisées à juste escient. Blut Aus Nord est reconnaissable, une entité mouvante, obscure et puissante. Décidément, l’orchestre de l’enfer le plus intelligent !