Boy Harsher est devenu célèbre grâce à un seul morceau, l'imparable "Pain", paru initialement sur le EP Lesser Man en 2014, puis édité plusieurs fois par la suite et même remixé par The Soft Moon. Le style du duo n'a par la suite fait que reproduire cette formule qui marche : les beats électroniques typés synthpop/EBM très eighties d'Augustus Muller et le chant susurré, sexy et lugubre de Jae Matthews.
Avec une production particulièrement efficace et des titres accrocheurs, Careful perfectionne le précédent Yr Body Is Nothing (DKA Records, 2016). Le sens de l'atmosphère y est présent dès l'introductif "Keep Driving", où le son du trafic et des voitures qui passent est reproduit par les claviers. La tension monte. Le chant halète. La menace gronde, teintée de touches indus à la "Hamburger Lady" de Throbbing Gristle. Cette dimension cinématographique, digne de la bande originale d'un film d'épouvante sur VHS, sera développée plus loin dans le disque avec "Crush" et "Careful". Le reste accumule les tubes electropop, célébrant une forme de rencontre entre les débuts de Depeche Mode et ceux de Front 242, mais drapés dans une noirceur darkwave apportée par les vocaux chuchotés à l'expressivité typiquement cold. Une Electro Body Music à l'ancienne, mais bien noire et carnassière ("Come Closer"), alterne avec des moments dance plus kitsch, que la voix embrume de ses narrations intimes et douloureuses ("LA").
En cinq ans, le projet a peaufiné un univers, pourtant calibré sur le succès d'une unique chanson. "Face the Fire", "Tears" ou "Fate" n'ont d'ailleurs rien à envier à "Pain" et sont de pures réussites dans lesquelles on aime se perdre. Les titres sont addictifs, hypnotiques et profonds à la fois, avec leurs récits de tourments émotionnels, de pertes et de douleurs. Plus romantique que jamais, Boy Harsher adopte le mouvement nocturne, celui des routes que l'on traverse en état second et celui des cheminements intérieurs tortueux. La dimension confessionnelle des textes, délivrée avec une diction de glace, porte les rythmes admirablement, et en fait des classiques immédiats pour dance-floors goth. Boy Harsher est en passe de toucher un public encore plus large, et ce ne serait que mérité.