Les notes synthétiques pulsent le froid puis le chaud tant elles sont denses et roboratives, mécaniques. Pourtant, l’irruption d’un piano, puis de la voix extrêmement sensuelle de Baptiste font basculer l’appréhension du projet dans l’agréable hypnotique. Une telle force de spatialisation des sons et du spectre sonore relie sur disque le groupe français aux maîtres du genre que sont Depeche Mode et chez nous Morthem Vlade Art.
Un ton légèrement décalé, de l’humour et des réminiscences évidentes (ces petits "woups !" qu’on entend sur "Cobra Music 4", le démarrage très Suicide de "Wrap your Lips around my Neck") attirent l'attention. Le groupe se la joue décalé, second degré, pulsant son boum-boum de pacotille avec un entrain tout ironique ("I love You"). À l'opposé, Bracco prend aussi le risque de l'ambiance plombée ("Secretly dancing"). Sympa... En revanche, lorsque les intentions se font plus froides, une forme proto-industrielle synthétique prend le pas. Les intonations se font alors plus gothiques, comme si le groupe jouait dans un tunnel désaffecté ("Carter"). On se souvient alors que le premier album du groupe s'appelait Grave, comme la tombe ou notre adjectif très sérieux. Et on débusque sous l'horrible pochette un découpage humain encore plus gore.
On en revient au son chirurgical : c'est lui qui permet les audaces vocales et les envolées (mais point trop n'en faut). L'invitation de Lauriane de Bryan's Magic Tears sur "Be a Boy" porte en elle ce soupçon plus dark et pop, comme si PJ Harvey cédait à une soirée Klub parrainée par Dive (le single clippé, mais on en aimerait d'autres). Plus loin, l'éponyme "Dromonia" et les paroles de "The Fall" s'immisceront dans un groupe d'azimutés regroupant Prayers, Throbbing Gristle, The Fall et Klinik. Là, ça devient franchement méchant ! Les triturations de guitare assaillent régulièrement les compositions les plus jolies ("Wrap your Lips...", encore elle !).
La force et la singularité du groupe tiennent bien dans son incarnation : il ne suffit pas de sentir les atouts de plusieurs époques et de les additionner (peut-être davantage le travail de Loren ?), il convient d'avoir aussi la démarche naturelle et l'audace vissée au corps. La voix et les jeux séduisants de Baptiste sont le point de force indéniable de Bracco. Il conviendra de travailler le rendu du son en live pour respecter au mieux ces deux aspirations au désordre et à la rigueur. En attendant, avec Dromonia, reconnaître le talent vénéneux de ce duo se fait tout en douceur, titre après titre.
