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Live report
03/03/2023

Brothers Of The Trees

Live 28/02/2023 @ Château H (Saint-Julia)

Photographies : Chateau H official FB (1) / autres : Alexandre Alquier
Lieu : Château H - Saint-Julia (Haute-Garonne)
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Château H, à Saint-Julia dans le Tarn. À seulement dix minutes en voiture du Théâtre de la Vidalbade où nous faisons de temps à autre du bénévolat. Mais comme ce soir, c'est Jason qui me conduit et qu'il connaît par cœur ces routes, nous arrivons plus rapidement encore.

Un chat entre avec nous, celui de la voisine. Mäxime Lachaud est déjà là et me présente à Héléna, patronne du lieu (Sotho est absent ce soir). Je furète partout, découvrant enfin le Château, ses trois salles visibles et le hall d'entrée. Belle ambiance, décoration soignée avec plein de petits détails judicieux comme ces tableaux peints sur lesquels on a fait couler une sorte de poix. 

Une assiette tarte-poireaux et deux verres de vin plus tard (pour moi les deux verres), Jason et moi sommes installés au premier rang, assis sur le sol carrelé. Froid aux fesses ou aux genoux selon la position. Le château s'est rempli : nous sommes un peu plus de cinquante à vue de nez, très majoritairement des hommes ; pas besoin de demander depuis combien de temps les gens connaissent And Also The Trees, on est sur les vieux de la vieille. Les discussions s'engagent et je constate que certains les suivent sur la tournée, de date en date, d'autres se limitant à une grosse poignée de villes et de pays. Une journaliste autrichienne est même dans la salle, remarque Max. Evidemment, ça parle aussi de la tournée de The Cure puisque, outre les invitations en tournées à partir de novembre 1980, puis la production par Laurence Lol Tolhurst du premier album d'AATT (1984), les comparses cold les avaient invités en 2014 pour une triplée de concert ensemble.

Après leur date du 25 à Marseille, le noyau du groupe s'est arrêté au Château, en résidence. Ce soir, on a donc une formation raccourcie à trois hommes (plus l'ingénieur du son ?) : les frères Jones, Simon Huw au chant et Justin aux différentes guitares, plus Paul Hill à la batterie et aux différents moyens rythmiques (archet sur cymbales) ainsi qu'au mini clavier. Les voir dans un tel cadre, malgré le "froid sibérien" (n'exagérons pas, c'est Simon qui l'affirme) relève du rêve. Les titres sont donnés dans des versions parfois raccourcies, parfois étonnamment mélangées, des intros ou des breaks plus longs permettent à Justin de faire piauler et rugir sa guitare en larsens, en drone, en volutes psychédéliques. Il utilise un sampler pour multiplier les couches. Tous trois sont en parfaite écoute, Simon utilisant deux fois sa main pour modifier un tempo ou une prolonger une mesure, Justin posant le pied sur la grosse caisse afin de l'immobiliser sur un passage plus soutenu.

C'est une concentration totale pour ouvrir le set, Simon sur son tabouret patientant pas loin de cinq minutes avant de commencer à déclamer. Il lui faudra ensuite attendre les premiers applaudissements, au bout de trois titres, pour se mettre à davantage chanter, sans doute une fois la voix bien chauffée.

Son visage a vieilli (je ne l'avais pas vu depuis la date à la Chapelle des Carmélites de Toulouse, en 2009) tandis que celui de Justin reste toujours aussi élégant à l'anglaise, ses petites mèches volant sur son front. Tous deux sont extrêmement concentrés, et les trois sont clairement unis dans un même cadre musical : il s'agit de magnifier les poèmes. Que dire ? Nous aurons droit à "Virus Meadow", à "Belief in the Rose", à "Vincent Craine", à "Blind Opera" (première pour ce titre de Green is the Sea, me précise Maxime)... Les versions sont exigeantes, travaillées. Ils font un medley de "Talk without Word" avec "Gone like the Swallows". Nous finissons par chanter en chœur le refrain de "Bloodline" et nous les ferons revenir des coulisses en prolongeant le chant. Pour le deuxième rappel, le trio improvise et Justin se plante, les obligeant dans un sourire à reprendre.

Une fois le concert réellement fini (deux chansons en deux rappels), le groupe devant se reposer pour préparer la date de Barcelone le lendemain soir, Simon revient dans la salle.

Nous sommes dans une autre salle, discutant du voyage en Louisiane de mon comparse, puis nous tournons encore, Jason et moi.

Au moment de partir, Max est en train de discuter avec Simon, nous attendons pour lui dire au revoir, mais le chanteur nous salue, alors on entre dans la conversation. Il venait de lui dire qu'il regarde pour la seconde fois la troisième saison de Twin Peaks, qu'il a appelé sa fille Audrey et son chien Cooper en hommage à la série ! Il nous relate deux histoires de stalkers qui avaient suivi le groupe sur de nombreuses dates ces dernières années. Il parle aussi du documentaire Slow Pulse Boys de Sébastien FD dont nous attendons tant, et de nombreuses captations de concerts prises par d'autres. Il est conscient de la confidentialité du groupe aujourd'hui, mais toujours heureux de voir du monde aux concerts, ou désappointé que les disques vinyles soient épuisés du fait du Brexit. Nous soulignons la longévité de son groupe principal, puisque sans split et sans pause, And Also The Trees tient depuis sa première cassette en 1982. Lui vante les mérites des deux premiers albums d'Echo & The Bunnymen et de ceux de Scott Walker. Simon a l'envie d'un livre de Mémoires, sans encore savoir la forme qu'il prendra. Il faudra du réel et sans exagérations, insiste-t-il. Max, le sachant également photographe, lui conseille une pagination photo-texte d'une page, comme des instantanés. Pour ma part, j'attends une mise sur le divan : d'où ils viennent (ruralité, distance avec la classe ouvrière) et un regard sur cette vie de saltimbanques troubadours, à la Paul Roland (que Simon ne semble pas connaître).

Nous repartons charmés par les conditions d'une telle rencontre, un peu ébahi pour ma part d'avoir eu droit à une sorte de showcase privé, alors qu'il n'y avait nulle invitation et des places à 15 € encore disponibles le soir-même. Et au passage, je m'achète le CD de Born Into The Waves (2016).

Un énorme merci aux propriétaires pour leur programmation pointue et ces opportunités qu'ils (se) nous donnent.