Il y a une ambiance hitchcockienne, non, de polar dans le post-jazz de Bärlin. Les noirceurs diffuses du groupe empruntent des chemins escarpés : il y a du danger, et vous le ressentez dans ces cuivres qui virevoltent et maintiennent en même temps quelque chose d’incandescent. Dans le son, une recherche d’authenticité : ils ne mentent pas mais posent un mystère. Les paysages sont de charbon, et les ambiances intérieures ("A glowing Whale"). Elles frémissent de la pulsion de vie, et leurs lueurs fragiles appuient là où ça fait mal : non, nous ne contrôlons rien, ne l’espérez pas, ne l’espérez plus. L’imprévu dicte ses lois, la vie est un accident.
Le groupe atteint sans doute un sommet dans sa musicalité avec State Of Fear, disque à la fois tripal et intime, chaud-froid continu à l’intérieur duquel la puissance contenue des basses tricote des paysages de nuit ("Farewell Song"). Tension latente. Le chant polymorphe de Clément Barbier, gorge aux vibrations filles de Scott Walker ("Deer Fight", un exemple), fait des merveilles, hors de tout surjeu – et l’ultime "Sturm", huit minutes d’hypnose cinématographique, est un monument.