Cave In progresse d'album en album, et c'est Relapse qui les signe cette fois-ci. Heavy Pendulum ne déroge pas à cette leçon de conduite et c'est justice rendue que de parier sur eux après trente ans de services rendus à la musique. Après le décès du bassiste (et chanteur) Caleb Scofield, c'est Nate Newton (Converge, Doomriders et Old Man Gloom, groupe où il jouait avec Caleb) qui est venu épauler les amis et finir le travail déjà engagé de ce septième album (restaient quelques riffs et des paroles non utilisés sur le précédent, le disque hommage Final Transmission).
Le groupe impose ses changements de braquet, notamment au niveau de la voix, puissante et émotive, caresse sur des riffs incisifs, travaillés. On peut regretter la présence maintenue des chœurs typés hardcore (ou bien Killing Joke) qui n'ont plus vraiment de justification puisque le groupe sait séparer deux types de morceaux. L'équilibre entre la voix lead et le déluge sonore se suffit, tant les harmoniques acides dans leur progression et le mixage malsain mettent une pression suffisante. Il faut dire qu'on a sorti Kurt Ballou pour la production – et il fallait ça pour un groupe auparavant signé chez Hydra Head. Rappelons que Kurt, c'est aussi Converge.
Les fans de hardcore et post-metal trouveront leur bonheur avec le complexe et torturé "Amaranthine" : concision, enchevêtrement, beauté et puissance (ce que The Mars Volta n'avait pas forcément réussi à faire, donnant dans le trop démonstratif et cafouilleux). Les fans de la tournure plus grunge-doom-psyche tituberont de bonheur avec "Waiting for Love" qui, moi, m'ennuie. Plus incertain est le sort qui attend la longue plage finale et ses douze minutes. Une lente montée qui culmine avec une mise en train au bout de cinq minutes ; on a là comme un morceau bonus pas forcément utile après ce que le disque avait offert. J'aurais bien vu un format à part, du type EP une face, pour le sortir. Notons que c'est le titre que j'ai écouté deux fois dès le départ pour tenter de saisir ce que voulait y dire Cave In ; j'y ai vu une actualisation des grands noms du heavy des années 1980 avec le chef-d'œuvre final (cette lignée de solo et les instruments en formule élégiaque bien trop téléphonée sur les deux dernières minutes).
Du côté de la voix de Stephen Brodsky, ce que j'apprécie, c'est cette tournure entre Billy Corgan et désormais quelques intonations plus psyché à la Voivod. Cela donne à la musique un aspect intemporel précieux, à l'égard de cette pochette à la fois space opera et hype (dessin dans l'air du temps du talentueux Richey Beckett qui sort de ses thématiques et de sa zone de confort).
"Heavy Pendulum", titre éponyme, se fait plus planant, dans la lignée de la direction prise au moment de Antenna, peut-être plus Led Zep' dans les intentions et la forme, avec une volonté de marquer les esprits et l'époque ; "Reckoning" me donnera une plus négative impression en avant-dernière piste, malgré, une fois de plus, plusieurs bonnes idées qui donnent un sourire et obligent le chroniqueur à se dire que ce morceau, même s'il ne l'aime pas, est sympa à réécouter.
C'est ce côté parfois stadium et donneur de leçons à travers la musique qui pourra rebuter les indécis car Cave In reste un grand groupe respectable. Il le prouve au bout de quarante minutes de musique, en relançant la machine avec "Nightmare Eyes", dominateur et planant dans un ensemble parfait (et quel solo !). En revanche, je trouve étonnante la division de la montée vers "Careless Offering" en une piste détachée, comme si l'intro aventureuse proposée pouvait être sautée par les auditeurs. J'aurais préféré que le groupe assume et impose cette introduction expérimentale ("Pendulambient") à un titre par la suite classiquement efficace (et qui propose un break astucieux).
Même lorsque les velléités heavy se font plus présentes (ce que j'apprécie moins), la mélodie facile est tempérée par des trouvailles plus rudes et un refrain intéressant ("Floating Skulls"). "Blinded by a Blaze" propose une très jolie plainte aux harmonies magnifiques. C'est un équilibre savamment construit entre élégance, noirceur, force et délicatesse, facilité et à-côtés dévastateurs. C'est un peu le genre de titre qui fait la différence : Cave In n'est pas un groupe qui se repose, mais qui expérimente et ne tiendra jamais en place, calculant ce qu'il peut sortir et quand pour ne pas salir une réputation.