Sous ce nom se dévoile une rencontre de haut niveau pour tous les amateurs de climats dark, rituels et spirituels entre AimA (Les Jumeaux Discordants, Daimatland) et Evor Ameisie (Camerata Mediolanense, NG), accompagnés de Diego Cinquegrana aux field recordings et claviers. On connaît leurs penchants pour des musiques envoûtantes, possédées, tour à tour éthérées ou démoniaques, et les fans ne seront pas déçus. Bien au contraire. Les musiciens se montrent ici particulièrement inspirés, portés par les croyances païennes, les sons de la nature, les chants orphiques et les grands thèmes poétiques (la nuit, la création...).
Débutant sur un hymne à Dyonisos, l'album adopte des percussions tribales et des chants qui sont comme autant de vagues, incantations hypnotiques, habillage sonore dense et puissance rituelle qui pourraient évoquer certains travaux de Swans et Jarboe. La nuit prend ensuite le dessus ("To Night"), entre hululements de chouettes, piano funèbre et voix enveloppantes et mélancoliques. Le ton est plus néoclassique avec le violoncelle délicat d'Annamaria Bernadette Cristian, mais aussi plus inquiet. Les musiciens savent créer des ambiances où l'imaginaire prime. "To The Furies" revient à une intensité apocalyptique, et ces chants païens ne sont pas sans rappeler l'esprit de The Moon Lay Hidden Beneath A Cloud ou encore Hagalaz Runedance. Au bout du compte, Camerata Mediolanense ont fait partie de cette scène dans les années 1990, il est donc assez logique que l'on en trouve des traces.
"To Sleep" développe une beauté ancestrale, lumineuse. Cette fois-ci on lorgne plus du côté de l'univers de Dead Can Dance et Ataraxia, avant de retourner vers des chants tétanisants et glaçants avec l'incroyable "Hyle the Chant of Creation", un des sommets du disque. Quand le projet se lance dans des ambiances terrifiantes, ils atteignent la perfection. "To Corybas" figure parmi les autres grands moments de l'album. Trois notes de synthé entêtantes, quelques sons de toms et de cordes, des bruitages électroniques, et la magie des voix entremêlées d'Evor et AimA se chargent du reste. Le morceau pourrait durer des heures tant on atteint la transe. "To the Fates" creuse le sillon d'une abstraction menaçante au possible. Les cris sinistres d'AimA se mêlent aux drones et marasme dark ambient alors qu'émerge la voix du poète Angelo Tonelli. L'apaisement, élégiaque, vient clore ce périple passionnant ("To The West Wind") où les chœurs et chants nous ont transporté loin, autant dans les forces primitives, caverneuses et inconnues que dans l'éther le plus cotonneux. Du grand art.