Celluloide revient et peu de choses ont bougé. L'ADN du groupe est clairement séquencé et on retrouve en moins d'une minute ses qualités. Des rythmes durs, presque sauvages, une voix féminine très froide et mécanique (celle de Darkléti), des harmoniques qui virent vers l'épique et des nappes pour adoucir le propos par trop rugueux.
Cette marque de fabrique est à la fois un atout et un léger handicap, lissant les titres dans un moule d'uniformité (exception notable avec la ritournelle instrumentale très new wave de "Modulation de Fréquence", où le groupe capte ce qu'on dit de lui). Il faut dès lors prendre le temps d'adopter les nouvelles compositions, de les envisager comme des variations sur un thème : l'album prend alors sa dimension globale. Des ajouts de pistes densifient le propos minimaliste, basculant vers une pop orchestrée (les triturations martiales et new wave du très bon "Si tu renonces"). Les petites trouvailles rythmiques et harmoniques renvoient au savoir-faire de Jacno ("Tant de Place"). Les breaks sont des émotions justes qui s'appréhendent et se domestiquent ("Futur antérieur"). La voix prend parfois une posture plus chaude (comme sur l'inaugural "Boucle infinie").
La musique de Celluloide devient une jonction entre l'école française et la future-pop des années 1990 (VNV Nation, Covenant, De/Vision, And One...). L'écart aux attentes se place dans les paroles lorsque, par exemple, sur "Poème mécanique", l'appel à la danse est décrit sur un ton ironique. En ce sens, les visuels générés pour cet album (très élégant dans la version vinyle) font corps avec la musique : l'attirance classique des couleurs primaires, les courbes, droites et angles jouant de l'enfermement et de la libération. Vide et rayures s'affrontent et créent un mouvement dans l'immobile du tracé. Le vivre ensemble disparaît, la société urbaine s'effondre du manque de regards et de croyances partagées ; un pessimisme proche de celui abordé par Alex Sindrome ("La Cité des Aveugles"). Les rapports amoureux, au centre des poèmes, souvent symbolisés, trouvent une fois de plus leur apothéose sur un titre beau et distant : "Ta Main se glace", le genre de titres qu'on aimerait entendre sur les ondes FM.
