Le groupe Celluloide est immédiatement reconnaissable, unique dans sa manière de traiter le son, une voix identifiable (celle de Darkleti), une façon de composer qui s'inscrit dans un cadre qu'on distingue aisément. Alors, au moment où le groupe fête les vingt ans de son second long format sorti en 2003, Words Once Said, un album bonus est présenté, en faux-jumeau : Silences We Shared, inclut remixes et raretés.
Les musiciens ont retravaillé, réorganisé, réenregistré leur propre matière, jouant à se projeter dans leur passé avec les instruments et le matériel d'époque, mais leurs envies présentes. Et, face à ce qui est comme un album nouveau, le constat est une fois de plus identique. On ne peut qu'aimer Celluloide.
On tente de jouer le jeu de la critique avec une question essentielle : est-ce un bon album du groupe ? Est-ce l'un des meilleurs ?
Et force est de revenir au réel : un album de Celluloide est bon, automatiquement. Les tubes sont là, en nombre suffisant : "This aching Kiss (possessive mix)", une vieille composition datant de l'époque Thee Hyphen, sonne toujours comme au premier jour où je la découvrais sur la vingtième compilation (janvier-février 2004) du magazine D-Side (et en fin de disque, vous trouverez sa reprise minimaliste). "I stay with you (elektrisch mix)" est speed, direct, efficace, accrocheur : un succès indéniable. "Another Life" cingle de sa mélodie lead par-dessus les arrangements minutieux. La captation de la voix, au plus proche du micro est un petit bonheur auditif, au casque ou sur enceintes et même dans un autoradio. Ses harmoniques durant le refrain s'emmêlent et se superposent, créant une accumulation pertinente qui affole. "Talk to me (secret mix)" est suspecté d'être un activiste pour ce qui fut nommé la future pop, même si la tonalité minimale reste plus discrète que ce que firent les militants baraqués en soulevant de la fonte pour masquer des mélodies trop faciles. Seule la fin de ce faux instrumental, trop répétitive dans son accumulation peut en énerver quelques-uns.
Cerise sur le gâteau, une version allemande, "Synchronisiert (german edit)" rappelle comme cette musique avait conquis le monde des nuits post-gothiques. Pour l'instant, je garde encore en cœur la version française aux paroles si joliment composées, découverte via le magazine Elegy et son sampler 32 (février-mars 2004).
Ensuite, il y a cette diversité dans les climats, qui empêche tout ennui ou longueur. "At School (playground mix)" a cette longue intro teintée de déprime avant que le morceau ne bascule dans l'amertume d'un monde hypocrite où on peine à trouver son chemin, cherchant le salut dans la bande de copains de l'autre, en vain... "Show me the Way (diagonal edit)" se fait languide, délicat, paresseusement étiré dans ses vers, prenant son temps, s'amusant même avec un gauche-droite dans les oreilles. "I missed You (complete mix)" souffle chaud et froid, une réussite immédiate avec un chant qui se fait plus envoûtant, cherchant davantage l'adhésion, modulant sa ligne avec un maniérisme qui lui va bien après une introduction plus sourde et grave que les autres.
Et ce sont aussi les mises en avant, variées elles aussi : une voix masculine sur le chœur de "This aching Kiss" et sur le final de "I missed you", un clavier aux longues notes tenues dans le fond pour faire écrin et napper le tout ("I missed You"), une mélodie simplissime, pareil à un OMD qui aurait troqué la grisaille pour davantage de noirceur ("Talk to Me").
Alors, bon album de Celluloide ? Oui, assurément. Meilleur album ? C'est histoire de fans, mais oui, un néophyte pourra découvrir le groupe avec ce disque.