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Album
20/12/2024

Charles East

Dislocated

Label : Brucia Records
Genre : doom piano / drama music
Date de sortie : 2024/12/17
Note : 85%
Posté par : Emmanuël Hennequin

Quelque chose travaille au ventre. En flottaison, en mélange : une place dans le monde que nous avons du mal à définir, cette phrase qui passe et que nous saisissons mal, ce malaise avec lequel nous repartons, un sens que nous peinons à donner aux choses – d’ailleurs, tout cela a-t-il un sens ? 

Les choses travaillent, c’est en cours. Elles convergent vers un point.
Elles ne disent pas leur nom, ou alors nous ne voulons pas l’entendre.

Le malaise est transporté par un mouvement : les doigts frappent et quelque chose dans l’air flotte, un malaise. Le pianiste Charles East fait vibrer le drame intérieur sur son premier format long, Dislocated. Un travail où le lyrisme, contenu, trame austère dessein : formaliser par le son tout ce qui ne peut être dit. Ce qui peut l’être passe par ce vibrato qui, ci ou là, nous remémore les gorges d’un Matthew Bellamy, celles des premières années …  à ceci près que la matière instrumentale, la scène du drame, ne vire jamais au spectacle, encore moins à profusion : Dislocated est une musique de la macération, de l’irrésolu ("The Mouth"). Elle cherche essence.

Les apports des coopérateurs Jo Ellis (guitare, basse, batterie) et Christian Burgess (batterie sur "Venom" et "I am your Consequence") confortent la dimension organique des blocs, dont certaines idées ont pu être dévoilées sur plusieurs formats courts antérieurs. Mais le concours des autres n’est pas simple décor : ils sont partie prenante, en respect et transport d’une vision. Et les masses se forment, et la voix vous transperce ("I am the Plague").

Cette musique est à la croisée des chemins. Peu classable, mais ne dites pas hors de portée : Charles East construit de vraies, d’authentiques chansons et leur nervure est la menace sourde de la déprime. Une force principale anime : celle de la suggestion. La résonance est atypique et vous le ressentez immédiatement. Ouverture, l’ardent "It holds my Viscera" : les guitares, dans leur coulure de metal, vous happent mais ce qu’elles disent prend racine dans la fragilité du vivant, tout ce qui peut le travailler sans que le travail soit su. Ce  même sentiment vers lequel nous transportaient, avant, les fragrances des Australiens Virgin Black : ici, une vibration classique nimbait des lenteurs de métal, singularité d’une trempe au noir. D'une ambition à une autre : le bruit du metal, ici aussi, dessine des paysages en désolation ("Venom", partie "pré-rythmique").

L’entourage de Charles, ses goûts affichés (moult icônes afterpunk / death rock apparaissent dans les photos de son profil FB), ses choix (inviter Eva O sur "Resting in my Blood" [Christian Death, Shadow Project, Eva O Halo Experience, Super Heroines] n’est pas un choix anodin)… tout cela attirera au pianiste  l’intérêt de certains publics ; mais sa musique dépasse les cadres que d’aucuns seraient tentés de dresser (le décorum est ténébreux, les étiquettes suivront toujours). Elle les dépasse, parce qu’elle a quelque chose en elle, que toutes n’ont pas et qui transpire. Les mots réduisent toujours, et l’âme ne se range pas dans des cases.

Tracklist
  • 01. It holds my Viscera
  • 02. Venom
  • 03. I am the Plague
  • 04. Is this my Doom?
  • 05. Diseased
  • 06. I am your Consequence
  • 07. Resting in my Blood (Feat. Eva O)
  • 08. Inside my Pestilence and Rage Oblectation vibrates
  • 09. The Mouth
  • 10. Damnation