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Album
22/03/2025

Closed Mouth

Forgotten

Label : Icy Cold Records
Genre : cold rock
Date de sortie : 2024/07/05
Note : 78%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Ayant loupé l'occasion de faire une chronique plus tôt des travaux de Closed Mouth, j'attendais avec impatience la sortie du nouvel opus (depuis The Four Walls, sorti en 2022). Le Français hyper prolifique* travaille ces derniers temps dans le large spectre des musiques gothiques et cold, dans une niche bien spécifique, aux côtés par exemple de Follow Me Not ou encore Love In Prague. Le logo est astucieux et les visuels marbrés nuageux brossent un paysage chaotique (des peintures de Cyril Marie-Rose).

La musique est donc douce, pour le côté cold, avec des guitares souvent claires, des touches de clavier élégantes ("Voice inside your Head"), une voix en léger retrait, qui ne gueule pas. Lorsque le rythme s'emballe, la ligne de basse et les rythmiques métronomiques envoient en apesanteur la mélodie plus irritante : c'est délicieux et acidulé (le rapide et efficace "If the Sun refuses to shine").

Les réminiscences tissent des liens émotionnels forts : l'entame de "White Line" avec un son de basse traitée avec un flanger et une reverb rappelle instantanément celui de "Descent" de The Cure. On peut aussi sentir un clin d'œil appuyé à la manière de concevoir la rythmique de son morceau éponyme "Forgotten", proche de celle à l'œuvre pour "All Cats are grey".

L'utilisation d'un référentiel commun, sans se vautrer dans la redite, permet une complicité et de mobiliser une palette esthétique forte. Ces jeunes gens portent un héritage qu'ils n'ont pas connu in situ, le font vivre et l'actualisent : ils ne sont pas seulement jugés sur leur musique mais sur ce qu'elle implique de responsabilités. Osons les mots en les nuançant : c'est un devoir de mémoire parfois oublié, mais nécessaire tant la musique se construit en réactions.

Les claviers de cet album font quelques fois la jonction avec ce que fut The Cure pour Disintegration, sans l'emphase un peu vieillie qu'ont dorénavant ces enregistrements chez les Anglais ("Sing your Whispers"), remplacée par un son enrobé avec discrétion qu'on affectionne davantage aujourd'hui, sans les pesanteurs qu'avait le gothique-roi.

Alors, oui, Yannick Rault est un bon apôtre : il sait manier les légères dissonances pour insuffler un malaise, revient apaiser sur un break plus harmonieux, partage le spectre entre ses graves et ses aigus, spatialise les diverses pistes. C'est professionnel et au service d'idées et d'atmosphères qui ne révolutionnent pas le genre mais permettent à ses histoires et ressentis de s'inscrire durablement (les appels au chant lançant la deuxième moitié de "All of the Time" m'ont bien marqué). Et puis j'aime bien quand sa musique s'emballe, créant ainsi un équilibre entre des compositions introspectives et d'autres qui libèrent une colère ("A Reflection").

L'album se ferme avec un titre plus sombre, sa basse est martelée, sur une note unique, à peine levée en fin de riff, comme un bourdon aux saturations épaisses ; la double mélodie des riffs et notes composées se construit sur cette répétition implacable. Les pistes s'ajoutent les unes aux autres, créant un ciel d'orage, dur et froid, on y revient. Une outro insérée dans la composition, et quelques secondes de blanc, viennent clore avec astuce cette nouvelle livraison : on se remet à respirer avec délice et on se dit qu'on tient là un véritable faiseur d'ambiances, capable aussi de générer du tube sans recours à l'IA, avec sa patte, sa personnalité.

* plus de vingt-cinq longs formats disponibles.

Tracklist
  • 01. What's real?
  • 02. Voice inside your Head
  • 03. White Line
  • 04. If the Sun refuses to shine
  • 05. All of the Time
  • 06. Sing your Whispers
  • 07. A Reflection
  • 08. Feel the same
  • 09. Forgotten
  • 10. More than the End