Certains retours font plus que le valoir. Après des mois passés à écumer les scènes du monde entier – et c’est loin d’être fini - le projet gothique archi-culte Corpus Delicti (Nice) est passé d’une vivifiante entreprise d’hommage au fond de catalogue à une authentique déclaration d’intention créative. La persévérance paie : le groupe a dépassé ce qui aurait pu ruiner l’entreprise originelle, à savoir la maladie ayant empêché la batteuse originelle, Roma, de reprendre la route avec le groupe. Laurent Tamagno (M83) a pris le relai avec brio, assurant live une percussion typée, respectueuse des formes et de l’esprit originellement dégagé par le tribalisme et la frappe sèche de (la spectaculaire) Roma. Un fond de catalogue, alors, a trouvé sublimation.
Les deux nouveaux titres couchés par ce Corpus Delicti 2024 poursuivent sur la même lancée, de force et d’esprit : parus sur un format single vinyle autoproduit, ils font déjà figure de classiques. Le collectif est revenu au son organique et aux élégances racées qui ont marqué les trois premiers albums studio : une typologie sonore qui, dès la première écoute, appelle tant de familiarité que c’est un peu comme s’ils ne nous avaient quittés qu'il y a une semaine ou deux. Forces vives, nature à l’œuvre : un Corpus Delicti incandescent s’est fait jour dès novembre avec le premier des deux morceaux, un "Chaos" de haute intensité et dans lequel la jonction des boucles de basses froides de Christophe Baudrion et de la batterie précise et guerrière de Tamagno créent l’ossature indéboulonnable, tapis sur lequel déroulent en pleine expression les guitares acides et acrimonieuses de Franck Amendola. Faire face au chaos, fi du passé, se préparer pour la suite. Le pire n’est jamais certain et la voix de Sébastien Pietrapiana est maîtrisée, possédée. Un grand moment.
La face B (exclusive) "The Crown", dans un tout autre genre, est à l’avenant. Puissance de l’inspiration, et une autre magie se dégage du titre. Une autre facette, plus climatique, et le groupe de recréer cette tension faite de latence et d’épaisseurs mouvantes que l’on aima tant sur d’anciennes créations. Les guitares et la voix vous enveloppent, et de ces volutes se dégage le parfum d’une réclusion, horizon que décillent les éclats de guitares finaux : formes retenues, mais élévatrices. Il y a de la superbe dans ce son à la fois frais mais plus typé que jamais, mixé avec précaution par le vieux compagnon William Faith (Bellwether Syndicate, ex-Faith & The Muse / Wreckage / Christian Death). Deux morceaux pour, espérons-le, l’amorce de nouvelles promesses… car au regard de ce qui s'est enfin concrétisé aujourd’hui, nous aurions sacrément regretté qu’ils ne le fassent pas. En 2024, Corpus Delicti est plus chimique que jamais.