Corpus Delicti s’était illustré par la sortie d’un triptyque studio marquant pour la scène gothique très au-delà de la France au milieu des années 1990, et incluant l’album phare Sylphes. Plus d’un quart de siècle après l’arrêt de ses activités, le combo plus que culte revient sur scène courant 2022-2023. Le projet est lancé depuis plusieurs années, et la Covid-19 ne les aura pas arrêtés : la formation classique est de retour sur scène, sans Roma (batterie) mais en compagnie du batteur Laurent Tamagno (Hannah, M83). Une passation organisée avec l’assistance de la musicienne d’origine, et qui aboutira dans les prochains mois à une authentique résurrection sur scène. Le groupe n’a pour l’heure délivré qu’un show privé à Nice, mais la vibration est là et les premières dates françaises et européennes s’officialisent progressivement. Premier show à inscrire à votre agenda : la MJC Picaud, à Cannes, le 7 mai 2022 en compagnie des Tétines Noires. Guettez les dates, elles ne seront pas légion. Entretien.
Obsküre : Depuis plusieurs années, un certain nombre d’actions se sont enclenchées, exhumant l’héritage et faisant se perpétuer mémoire : relance de vos réseaux sociaux, documentaire sur la tournée américaine, merch, rééditions vinyles chez D-Monic (déjà responsable de rééditions CD des trois premiers albums), signature chez Cleopatra… À quel point exercez-vous un contrôle sur l’ensemble des projets concernant le groupe ? Peut-on parler à propos de Corpus Delicti de souci, d’obsession du contrôle ?
Sébastien : Oui, certainement. Nous contrôlons, en fait... tout ce que tu viens de citer ! Tout s'est fait petit à petit, avec le temps et la notoriété du groupe qui n'a cessé et ne cesse de grandir grâce à internet et ses réseaux. Nous gérons nos propres espaces Instagram, Facebook, YouTube... C'est d'ailleurs cela que nous trouvons aussi intéressant aujourd'hui, ce contact direct avec le public. Ce sur quoi nous n'avons pas totalement la main, ce sont les sorties de nos albums chez Cleopatra, mais nous travaillons toutefois en étroite collaboration avec eux, ils nous soumettent leurs idées pour chaque sortie. Nous proposons le tracklisting, l’artwork, etc. – et nous pouvons dire qu'ils sont complétement à l'écoute de nos demandes ! C'est très appréciable, et cette collaboration fonctionne bien.
Ce contrôle s’exercice-t-il collectivement ou certains d’entre vous se concentrent-t-ils dessus plus spécifiquement ?
Sébastien : C'est en fonction du temps dont dispose chacun. On va dire que toutes les décisions importantes restent collectives, mais je suis quand même pas mal dessus.
Roma ne peut plus se consacrer à la batterie au sein de Corpus Delicti, pour des raisons que vous avez explicitées, et tenant pour elle à un problème arthritique. En quoi son absence affecte-t-elle le projet de retour de Corpus Delicti ? Vous barre-t-elle la route de projets que vous pensiez originellement accomplir avec Roma ?
Sébastien : Cela a été une période compliquée, pour nous, pour elle, très frustrant pour elle aussi... C'est émotionnellement que le projet a été affecté, car c'était vraiment spécial de nous retrouver tous les quatre à jouer ensemble, et cela a quand même duré presque une année. Le projet de départ reste néanmoins toujours le même, et nous avons décidé de l'accomplir et d'aller au bout : retrouver la scène et le public, certains de nos auditeurs ne nous ont jamais vus – si on parle statistiques, 70% de ceux qui nous écoutent ont entre seize et trente-cinq ans – et nous jouerons dans des endroits que nous n'avons jamais visités... Bref, se faire plaisir et faire plaisir.
Vous parlez de retour live et précisez que ce sera « la dernière chance » de vous voir restituer ces morceaux sur scène. Dans le même post, vous parlez de "retour à la vie", terminologie qui peut laisser supposer que votre comeback dépasse la stricte activité live. Est-il permis d’espérer de nouvelles créations studio impliquant Laurent Tamagno ?
Sébastien : Pour l'instant, l'objectif est vraiment le live, et nous n'avons travaillé avec Laurent que dans ce sens.
Comment avez-vous décidé de recruter Laurent ? Qu’est-ce qui vous lie à lui ?
Sébastien : Laurent est un batteur exceptionnel et en plus, un garçon charmant. Nous le connaissons depuis plusieurs années, notamment par son projet Hannah et ses activités dans notre région. Quand la question, au départ, de seconder Roma, s'est posée, son nom nous est apparu comme une évidence. C'était le seul, il n'y avait pas d'autres choix... et il a accepté. Il a ce côté tribal dans son jeu, cher aux morceaux de Corpus Delicti.
De quelle manière et depuis quand Roma et Laurent ont-ils travaillé ensemble pour faire en sorte que votre nouveau batteur intègre l’esprit des originaux ?
Sébastien : Nous avons fait plusieurs répétitions avec les deux. En amont, Laurent avait déjà décortiqué les morceaux et le jeu si particulier de Roma. Pendant les répétitions, elle pouvait alors lui montrer certains détails, des petites choses que l'on entend pas forcément tout de suite sur les enregistrements mais qui font la touche personnelle de son jeu.
2021 n’a guère été propice à l’organisation d’évènements live. Êtes-vous néanmoins parvenus à maintenir une discipline de répétition ? Comment avez-vous géré artistiquement, psychologiquement, la période de pandémie et de paralysie des activités culturelles ?
Chrys : Durant la période du confinement, on a fait comme tout le monde, on a attendu… Ne sachant pas trop quoi faire, on avait juste qu’une envie : reprendre là où nous nous étions arrêtés, mais nous étions totalement dans le flou. C’est juste que… on ne voulait absolument pas lâcher l’affaire ! Il y avait une frustration énorme, et puis c’est pendant cette période que les problèmes de santé de Roma ont été diagnostiqués. Ça a vraiment été un coup dur pour le moral… et puis on a repris le chemin des répétitions tant bien que mal, jonglant avec le Covid des uns et des autres, avec des périodes d’arrêts parfois un peu longues… mais on s'est accroché, parce qu’on sentait que ça en valait la peine.
Retourner sur les planches, c’est prendre le temps de réinvestir une œuvre passée. Certains disques ont fait débat dans l’auditoire, je pense essentiellement à Syn:drom… Leur donnez-vous tous la même priorité quant à leur restitution sur scène, ou privilégierez-vous certaines périodes de création ?
Chrys : Non, Syn:drom ne sera pas joué, nous sommes tous d’accord sur ce point. Cet album est une erreur artistique, c’est l’album de trop. Nous n’avions pas de recul sur nous-mêmes en le faisant à l’époque, on aurait dû s’arrêter à Obsessions. Nous ne jouons que les trois premiers albums, les disques qui symbolisent vraiment et uniquement ce qu’était et est Corpus Delicti, plus quelques inédits qu’on n'avait pas enregistré à l’époque, mais qui figurent en bonustracks live sur les rééditions de D-Monic.
Quels sont les titres sur lesquels il y a eu unanimité au sein du groupe quant à la nécessité de les jouer live sur 2022-2023 ?
Franck : La liste des titres que nous avons décidé de jouer est presque évidente. Nous avons aussi tenu compte des morceaux les plus écoutés sur les réseaux sociaux. Puis il y en d'autres, moins évidents mais qui nous tenaient à cœur. Mais je n'en citerai aucun pour ne pas spoiler la setlist ! Nous allons également en intégrer quelques autres au fur et à mesure des répétitions de manière à pouvoir piocher dedans et varier un peu d'un concert à l'autre. On prend cette tournée comme une communion avec le public. C'est le plus important. Si nous sommes de retour aujourd'hui, c'est en grande partie grâce aux fans.
Vous avez forcément changé depuis les origines du projet… En quoi l’énergie de Corpus Delicti d’aujourd’hui diffère-t-elle, selon vous, de celle de votre première période d’activité ?
Franck : Étrangement, dès les premières répétitions, l'énergie et les sensations étaient intactes, ce qui semble assez dingue après vingt-six ans de coupure. Il y avait toujours la même envie, toujours la même énergie, toujours la même émotion au fil des titres. Une fois acté, le plus important fut de retrouver le son quasi à l’identique de Corpus Delicti. Personnellement, c'est passé par l'acquisition de certaines pédales "essentielles" que j'utilisais à l'époque. Et les retours que nous avons eus après ce premier concert privé confirment tout cela, et nous confortent dans tout le travail effectué ces deux dernières années.
Sébastien : Pour moi, c'est assez fou en fait... Nous n'avons fait qu'un concert pour l'instant, privé, devant les "potes" de notre région – et je me suis retrouvé à ma place assez facilement. Je pense aussi que certains sensations et automatismes vont revenir au fur et à mesure… mais l'essence de ce que je ressentais à l'époque est déjà là.