Un EP pour patienter ? Ce serait faire injure à ce Raging River, format court (trente-huit minutes tout de même !) aux qualités indéniables. Après A Dawn To Fear, album phénoménal, dont nous avions tressé les louanges en 2019, il fallait frapper fort. La formation suédoise s’est donc retroussé les manches pour définir un nouveau territoire musical.
Qui plus est, cet EP sort chez Red Creek Recordings, label fraîchement créé par les musiciens. Ces cinq titres restent dans le giron post-metal débroussaillé par le groupe depuis vingt ans. Néanmoins, nous remarquons l’accent mis sur la lourdeur, une forme lancinante dérivant complètement à certains moments vers le sludge (sur "What I leave behind", "I remember" et "Wave after Wave"). L’atmosphère apocalyptique qui en découle est prégnante, l’obscurité point sans cesse, et elle devient particulièrement ravageuse sur "Wave after Wave", titre obsédant et mélancolique de douze minutes. Dans l’ensemble, le riffing est puissant, tentant constamment d’alourdir le propos, même si quelques ouvertures lumineuses surgissent parfois ("Three Bridges").
Puis apparaît "Inside of a Dream", ballade progressive et bucolique, bénéficiant de l’appui de Mark Lanegan. Accalmie fugace, cette pièce insolite apaise, séparant le disque en deux mouvements. Car l’enfer n’attend pas… Johannes Persson fulmine dans son coin, prêt à tout moment à exprimer sa rage existentielle. Sur "What I leave behind", il évoque un Phil Anselmo fatal, résolu à entraîner l’auditeur dans sa chute… Malgré un bref effort de rédemption, les anges cruels ont tranché : condamnation au malheur. Le gang d’Umeå s’unit alors pour faire vaciller l’équilibre céleste, invoquant quelques démons anciens en proposant un schéma metal incroyablement sombre. Enfin, "Wave after Wave" est un élément subtil. Son aspect statique (assez ennuyeux) est ensuite modifié pour devenir extrêmement émotionnel. L’évolution de ce morceau témoigne d’un savoir-faire forgé dans le froid et le désespoir.