Noir, couleur des ténèbres et de l’anarchisme… Deux attributs qui définissent parfaitement Curse All Kings, projet annexe de B.S.s. (Common Eider, King Eider). Inversion est sa seconde offrande, après l’inaugural Negation. Une forme rituelle dense, ou la bande sonore stylisée du néant, d’où n’émergent que désespoir et lamentations.
L’opus se compose de quatre longs morceaux, oscillant entre drone méditatif, dark ambient mystique et black metal chtonien. L’orgue prédomine, arrangé subtilement pour appuyer la solennité des compositions ; on pense alors à Anna von Hausswolff, en particulier sur "Mansions of Silence". L’album se distingue par sa puissance hypnotique. B.S.s. semble être en quête du son parfait. Avec une économie de moyens, il parvient efficacement à retranscrire l’atmosphère d’un culte infernal. Ainsi, le musicien manie par exemple avec doigté l’art de générer des silences pour mieux susciter l’effroi. "The House painted black with Ash and Blood" nous happe déjà avec ses nappes de cordes mélancoliques et l’envoûtement global créé par ses notes répétitives. "The Sadness of imagined Ghosts" et "Mansions of Silence" sont des titres jumeaux, sertis de variations légères. Le magma général convoque l’élément terrien. Tout flotte dans des tonalités graves. Ici, la pesanteur nous tétanise, avec cette vive impression que la damnation éternelle nous attend au bout. Cet aspect mortifère monte encore d’un cran avec "A Meditation for Inversion". Pièce maîtresse de l’ensemble, il s’agit d’une longue psalmodie de trente-cinq minutes parfaitement maîtrisée. Un voyage hors du temps et du corps, une performance radicale. Évidemment, les spectres de Halo Manash et Arktau Eos, les ténors du genre, sont invoqués. C’est lancinant, puissant bien que statique, avec une vigueur spirituelle qui peut rappeler, en sombre, l’œuvre de David Hykes (pour le traitement vocal). Double du Yearn de Common Eider, King Eider, Inversion viendra vous hanter pendant longtemps.