Tout premier opus du projet russe incarné par Dagmar Gertot, Os Lacrimale offre une courte collection (trente minutes) de lamentations improvisées : musique tout en retenue, émotionnelle.
Force. Les voix pleurent, pas de théâtralité. Elles suivent un instinct, une humeur. C'est une approche de vérité, un produit de l'instant : une "expression libre du monde secret parfois douloureux de la psyché", art recherchant l'état de nature. Image, son, mouvement forment art, et le témoignage de vie retrace cette aspiration : "Quand j'étais enfant, je passais chaque été dans une forêt de pins dans un endroit où les orages prenaient l'envergure d'un phénomène de grande ampleur. Fascinée par l'électricité et les incendies de forêt, mon être a construit un lien avec ces manifestations de la nature. J'ai donc tracé un chemin depuis une source d'argent à travers une forêt brûlée et des troncs en boucle, vénérée par les anciens Curoniens, jusqu'à un temple que j'ai construit à partir d'un arbre détruit par la foudre. Là, mon corps effectue une cérémonie pour la transe, la brasse morte", postait Dagmar en août sur FB.
Os Lacrimale est un bloc de chair cérémoniale et fragile animé par, entre autres, l'accordéon (le funèbre "Non healing Wound"), l'ikili à cordes, la lyre, le gusli, le piano, de discrètes percussions et la voix. La voix joue un rôle important. Chaque expérience est à la fois cinématographique et dans le lâcher-prise, Dagmar Bertot envisageant le texte comme "outil de composition" et vous invitant à une sensation de flottement intérieur. Les voix, précises et habitées, rappellent ci ou là, immanquablement, celles de Lisa Gerrard (le court "Snake Dance") et explorent des brumes fantomatiques ("Delirious"). Une expérience immersive et troublante.
