Pas très évident de suivre ce qui se passe dans la famille élargie des Thugs. L.A.N.E. vient de sortir de scène et daria (avec un d minuscule) revient sur les plateaux, après une parenthèse Do Not Machine (qui ne m'avait pas convaincu).
Pierre-Yves Sourice (des Thugs et L.A.N.E.) rejoint à la basse le trio Etienne, Camille et Arnaud. Cette basse, on l'entend bien sur "Citrus Paradisi", titre qui me rappelle Sixpack. Harmonique racée, énergie pop-hardcore, mélancolie. C'est bien. "A Smile, an Oasis" défouraille avec clarté, suivant une ligne classique pour le titre le plus court du disque. Le son est parfaitement saisi (travail de Camille) et j'apprécie la clarté du bonus "Fictions" pour sa première partie.
Le disque fonctionne avec des échos, "Water & Sand" jouant des similitudes de guitares pour bien s'enchaîner, puis bascule un temps dans le rock and roll agacé, avant une série répétitive à la guitare qui couine. Un des bons moments de l'album : chaque partie de cette composition est amenée à sa juste place, mettant en valeur les autres, par opposition ou complémentarité. Une carte de visite des possibles.
Pour la suite, les compositions me surprennent globalement moins. C'est bien fichu, il y a du talent, des constructions et des riffs travaillés. Cependant, il me manque une étincelle, une mise en danger, de la surprise. L'album tourne et s'écoute distraitement, ce que je regrette profondément. Les parties supplémentaires qui débordent du couplet-refrain manquent d'audace, la faute à un cahier des charges émotionnel qui reste dans le savoir-faire. Le final de "Keep my Head" ne dégage pas de puissance et l'atmosphère reste en demi-teinte alors que la partie soliste de "Minor Majority" éclaire un nouveau paysage (et alors que le final martelé aurait mérité une puissance dont le groupe est capable en concert).
Pourtant, on trouve des idées singulières : la paire basse batterie de "Cognac" a des airs de Sloy et des retours de noise 90's, auxquels l'énergie manque. Le refrain sonne mais ne résonne pas. L'impact retombe, la faute encore à cette atmosphère rentrée souhaitée par le groupe. Je ne saisis pas où on va. C'est un entre-deux, terriblement frustrant ; représentatif d'une époque, bien sûr. Si Idles et d'autres déploient des trésors de hargne, si les Foo Fighters (nommés dans la feuille de presse) aiment les stades et si The Cure revient ("Second to None", un titre entre tristesse et rage), daria semble aujourd'hui un miroir composite encore mal positionné. "The invisible Wandering" ouvre une voie autre avec quelques mesures bluesy, libérées, aventureuses (voir les albums de Brame pour saisir où peut conduire ce chemin), avant une reprise en mains et au chant dans les cordes.
Peut-être aussi est-ce lié au chant, juste, mis en valeur par quelques astuces de mixage qui le rehaussent le temps d'un mot, d'un vers. La scansion est souvent légère, rythmée juste ce qu'il faut (le bon final de "The Coral Wound", le phrasé de "Minor Majority" et son doublage discret sur des fins de vers).
Je reviens sur "Second to None" : c'est aussi dans ces options assumées de mise en danger, d'expressions plus fortes (lourdeurs, grandeur, tonalité tragique et épique) que le groupe peut s'affirmer et développer un sens de la démesure qui épate. Ils ont le talent, la technique, les idées, il manque un rodage par la scène sur ces titres et peut-être un lâcher-prise. On ne les en aimera que davantage.