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Interview
24/02/2020

Dayal Patterson - Cult Never Dies (Pt. II)

"Contribuer à la culture et à la scène, pas seulement les documenter"

Photographies : Cult Never Dies / Ester Segarra
Traduction : Guillaüme Gibeau & Gëraldine Lenoir
Posté par : Guillaüme Gibeau

Seconde partie de notre entretien avec le fondateur de la maison d'édition spécialisée en metal underground Cult Never Dies. Où Dayal Patterson nous fait connaître le fond de la démarche entreprise (première partie de l'entrevue à lire ou relire ici).

ǂ  CULT NEVER DIES

Obsküre : Revenons à la maison d’édition : en 2013, en même temps qu’est publié ton premier livre, tu fondes Cult Never Dies. Comment te sont venues l'idée et l’envie ?
Dayal Patterson : Le mini-livre The Black Metal: The Prelude To The Cult a été publié par Cult Never Dies la même semaine que celle durant laquelle Feral House a sorti Black Metal: Evolution Of The Cult. Bien qu'à l’époque Cult Never Dies, c’était juste moi, d’ailleurs je n'ai même pas utilisé le nom Cult Never Dies lors de la première impression.
Le but était uniquement de publier le contenu qui ne rentrait pas dans Evolution, ainsi que quelques interviews plus anciennes réalisées pour ce mini-livre. C'est donc un complément au livre principal. Mais l'expérience de la sortie de cette mini-publication était en fait plus gratifiante à certains égards que l'expérience de la sortie d'Evolution.
Donc, quand il a fallu sortir le volume suivant Black Metal: The Cult Never Dies, il m’a paru évident de prendre en main à nouveau tous les aspects de la publication. Le fait est que j'avais géré toute la rédaction et la promotion d'Evolution, ainsi que 90% des décisions de conception… alors je me suis dit : pourquoi, simplement, ne pas supprimer les intermédiaires ? La réalité est que beaucoup de maisons d'édition qui sortent des livres sur le metal extrême et underground ne sont pas impliquées dans ces scènes ; et d’ailleurs n’aiment pas particulièrement la musique. Alors pourquoi ne pas créer une maison d'édition pour et par des gens qui existent réellement dans la scène metal underground ?

Comment définir Cult Never Dies ? Ce n’est pas qu’une traditionnelle maison d’édition, car en plus de l’édition de livres c’est également une distro, du merch, un organisateur de concerts… La devise de CND est "Livres, merchandising officiel, et événements. Metal Underground et Art Culte. Par des passionnés pour des passionnés"... Peux-tu nous en dire plus ?
J'imagine qu'il est difficile de classer Cult Never Dies, et je suppose qu'il n'y a pas d'autres entités très comparables. Nous sommes principalement une maison d'édition et un distributeur de publications sur le metal extrême et underground, et à cette fin, nous avons publié plus de livres sur ce sujet que quiconque. Par ailleurs, une autre part importante de notre activité est que nous vendons du merch officiel pour des groupes tels qu’Ulver, Rotting Christ, Beherit, Sigh et Mysticum et d'autres articles connexes par correspondance.
Enfin, nous avons organisé et / ou aidé à promouvoir de nombreux événements : concerts, festivals, expositions... Personnellement, mon objectif est de contribuer à la culture et à la scène, pas seulement de les documenter.

Tu travailles seul ou une équipe t'aide à gérer toutes ces activités ?
Non, c'est un effort de groupe. Je dirige toujours le navire, mais depuis quelques années, il y a une équipe qui s’occupe du service de vente par correspondance et une poignée de camarades qui aident de diverses manières. Sans oublier que nous publions de plus en plus de livres d'autres auteurs. Ceci dit, nous sommes encore une petite entreprise et je suis impliqué dans presque toutes les décisions et les aspects liés à Cult Never Dies.

Une question que tu dois entendre souvent : "Pourquoi sortir des livres papier en 2019 ?" J’ai pour ma part, l’impression que l’on assiste à un regain des éditions papier. Faut-il y voir de la nostalgie ou un engouement pour ce format ?
En bref, les livres et l'imprimé ne disparaîtront jamais, tout comme les supports musicaux physiques sont là pour rester. Bien que dans les deux cas ce sera en plus petit nombre maintenant que les formats numériques existent.
Il y a probablement un peu de regain dans les publications papier, en particulier en ce qui concerne les fanzines ; mais je pense que l'impression est le format logique de ces livres, qui sont, après tout, illustrés avec beaucoup d'images. Le vinyle est en bonne santé à l'ère des MP3 et je pense que c'est une bonne comparaison avec la situation actuelle des supports papier. Par contre, les périodiques risquent de continuer à être en difficulté car ils dépendent davantage des actualités et sont donc plus facilement remplaçables par le contenu en ligne.

Chacune des publications est proposée en séries limitées sous format box avec goodies (cartes, mediators, t-shirts exclusifs). Est-ce important de publier de beaux livres à côté d’une édition plus standard ? Comment se fait le choix du format, du papier, de la couleur, tout en gardant un prix attractif ?
Les éditions spéciales se vendent très bien, dans certains cas mieux que les éditions standards. Je pense que cela peut être encore comparé aux sorties de CD d'aujourd'hui, où beaucoup d'albums de metal se vendront plus au format digipack ou vinyle qu’en édition CD standard. Les gens n'achètent plus autant de produits physiques qu'auparavant, mais lorsqu'ils le font, ils veulent souvent quelque chose de spécial et qui mérite d'être conservé.
D'un point de vue personnel, j'aime vraiment créer ces éditions spéciales avec des livres reliés cartonnés, des illustrations supplémentaires, des T-shirts, des CD et, dans certains cas, des livres en plus. En même temps, j'essaie de publier toujours une édition brochée simple à un prix inférieur afin que les gens ne soient pas obligés de dépenser plus d'argent s'ils ne le souhaitent pas.

Avec Non Serviam: The Official Story Of Rotting Christ, tu apparais comme co-auteur car tu as coordonné et réalisé les interviews des différents intervenants. Comment accompagnes-tu les auteurs / groupes à la réalisation d’un tel livre ? Comment se répartissent les rôles ?
D'un point de vue pratique, j'ai contribué à l’écriture narrative du livre ainsi qu'à l’organisation de sa structure et de toute l'édition. Sakis est effectivement co-auteur, parce que sa narration est la principale dans le livre. En plus il a effectué énormément de travail pour aider à organiser le tout, en termes de recherche d'anciens membres, en m'aidant lorsque je séjournais à Athènes, etc.
Avec d'autres livres, mon rôle varie énormément - effectivement je suis souvent  un éditeur de livres écrits par des auteurs non anglophones comme Doom Metal Lexicanum et Wolves Who Were Men: The History Of Moonspell. J'ai ainsi modifié des parties du texte pour m'assurer que l’anglais était grammaticalement correct, naturel et fluide.

Avec CND, tu ne sors pas que des livres dont tu es l’auteur, tu laisses la place à d’autres auteurs sur d’autres styles que le BM comme Doom Metal Lexicanum a été écrit par Aleksey Evdokimov, Wolves Who Were Men - The History of Moonspell, la réédition de Secrets Of My Kingdom de Mortiis ou encore la monographie d’un illustrateur de renom Owls, Trolls & Dead King's Skulls: The Art Of David Thiérrée. Quelle est la ligne éditoriale ? Comment se prend la décision ? Est-ce toi ou les artistes qui te contactent ? Comment se lance l'idée d'un livre, d'une collaboration ? Au fil des rencontres ?
À l'origine, c'était moi qui proposais l'idée à des gens que je connaissais personnellement et dont j'étais fan, c'est-à-dire David Thiérrée, Mortiis ou Sakis. Puis de plus en plus de gens m’ont contacté à travers Cult Never Dies avec des propositions de livres. C'est ainsi que les livres sur le doom, le livre de Moonspell et d’autres se sont concrétisés.
Dans les deux cas, les accords se produisent généralement par e-mail ou, pour être honnête, via Facebook Messenger - bien que l’on puisse critiquer les réseaux sociaux et Internet, il est indéniable qu'ils ont joué un rôle inattendu dans les négociations et les discussions informelles.
Cela dit, j'ai toujours rencontré également les auteurs dans la vie réelle. La seule exception reste Aleksey Evdokimov, que je connais assez bien mais que je n'ai pas encore rencontré. Espérons que cela changera bientôt, notamment parce qu’à l’avenir nous allons collaborer sur plus de projets.

Tu travailles également avec des graphistes et illustrateurs comme Garreth Elliott, Venien de Von, David Thiérrée (Darkarts), Mark Riddick… pour réaliser des illustrations ou des designs de T-shirt et d’objets. Comment naît un projet avec ces artistes ?
Comme je l'ai mentionné, je m'intéresse énormément aux arts visuels et j’aurais continué dans cette voie si je n'avais pas commencé à écrire, c'est donc un plaisir de pouvoir explorer ce domaine au sein de Cult Never Dies.
Tous nos livres sont des projets très visuels, les T-shirts et les éditions spéciales... Ils nous offrent l’occasion de poursuivre cet intérêt, à la fois en termes de travail avec des artistes mais aussi, pour moi, de faire plus de conception de mise en page. J'espère que nous développerons cela à l'avenir avec plus de livres d'art et plus d'organisation d'expositions.

Tu publies des rééditions de zines avec ta collection Underground Archives book (dernièrement The Dead Sea)… Idée louable que de faire renaître ces trésors de l’underground. Ça doit être un vrai travail d'archiviste ?
Encore une fois, je suis très reconnaissant de pouvoir développer cet intérêt personnel grâce à Cult Never Dies. J'ai grandi avec les fanzines et j’en suis un grand fan et collectionneur. Pouvoir partager ces ouvrages avec d'autres personnes est un plaisir, même si le travail de numérisation et de post-production n'est pas la partie la plus excitante de ma journée. Jusqu'à présent, nous avons publié des anthologies de Damage Inc., Ultimate Darkness, Skogen, The Dead Sea et Cthulhu et encore une fois, nous prévoyons d’en sortir plus à l'avenir.

Tu distribues également des livres et pas mal de fanzines chacun avec sa ligne éditoriale spécifique, son identité propre, je pense par exemple à un zine comme Becoming The Forest ? Quels sont tes critères de sélection pour les distribuer via CND ? Quel est ton préféré ?
Oui, nous distribuons beaucoup de titres : Bardo Methodology, Isten, Bestial Desecration, Legions Ov Darkness, IMHOTEP, Inner Missive, Abominatio Desolationis, Feed The Beast, Forgotten Path, On Parolem, et comme tu le mentionnes, Becoming The Forest, pour n'en nommer que quelques-uns.
Difficile de choisir un préféré mais disons que les critères doivent se concentrer sur le metal underground et soient de bonne qualité. Je n'ai pas besoin d'être d'accord avec tout ce qui est écrit ou avec les opinions, mais j'essaie d'éviter tout ce qui est ouvertement politique. Jusqu'à présent, nous avons poliment refusé de distribuer quelques fanzines que nous avons jugés trop orientés, de gauche comme de droite. Nous ne sommes pas particulièrement sensibles à ce sujet et avons bien sûr travaillé avec des groupes de gauche et de droite. Mais si la publication proprement dite met en avant un programme politique, je ne me sens pas à l’aise avec ça, notamment parce que je pense que la politique et le BM / Metal underground ne font pas bon ménage.

Quelles sont les publications à venir ? Il me semble qu'une Anthologie du zine Petrified de Jon 'Thorns' Jamshid, de Full Moon Production, soit en préparation ?
Absolument, et je pense que ce sera une sortie très spéciale. Nous avons prévu quatre anthologies supplémentaires qui devraient sortir au cours de cette année, un livre sur le death metal finlandais et quelques autres titres.
Je veux vraiment écrire de nouveau car je n'ai pas eu le temps de m’y consacrer en 2018, et je pense que le meilleur support pour ça pourrait être un fanzine Cult Never Dies, donc j'espère que je trouverai du temps pour le créer.

Comment vois-tu l’avenir de CND dans dix ans ?
Je me projette généralement sur environ deux ou trois ans au maximum, car on ne sait jamais vraiment ce que l'avenir nous réserve. Mais en tout cas, j'aimerais que Cult Never Dies continue de se développer, tant en termes de catalogue de livres et de sorties, qu'en termes d'équipe. Les idées et les plans ne manquent pas, j'espère donc que nous pourrons continuer à les réaliser et à conserver une réputation de publications metal et de merchandising de la plus haute qualité. ǂ