On ne peut que partager de la fierté avec le duo quand on a suivi Dead Souls Rising. Le groupe n'avait pas dit son dernier mot en 1999, et ce ne sont pas les projets annexes qui les empêchent aujourd'hui de faire feu de tout bois avec ce nouvel album : le cinquième, quelques mois seulement après la sortie d'Isadora. Onze titres, variés, incisifs, émouvants, travaillés et surprenants. Pas de déchets !
La tonalité majoritaire ne donne plus dans le rock gothique ou le batcave. On en trouve des réminiscences de premier ordre dans l'urgence taquine qui irradie l'énervé "Wandering". "Triangle" a aussi son lot de douceurs noires animées par une voix de diva goth, un clavier froid et des guitares acidulées ; la partie rythmique fait le job d'une façon monstrueusement classique : on ne peut qu'aimer. "Chimère" a cette basse bien ronde et des volutes doublées en français qui font mouche pour un titre soft-gothic joliment troussé, dans lequel les rires qui fusent ne sont pas le moindre des charmes.
Mais ce qui rend fier, c'est que Dead Souls Rising ne nous fait pas le coup du remplissage avec la même formule parfaitement maîtrisée. Le groupe ose mettre en questions son cadre et ce qu'il proposait.
Pour ce faire, il s'appuie sur la voix suave d'Alastrelle qui réchauffe la partie jazzy-rock de "Falling down". C'est si captivant que la musique reste minimale, à l'exception d'un break peut-être un poil trop bavard. Un petit jeu aguicheur plus loin on débusque "Jungle Betty" sur le monde des pin-ups, un remue-ménage dansant talonné par des rythmiques chaudasses (qu'on aimerait plus poussées encore : à voir en live ?). On a même droit à un titre funky-rock girly, très années 1990 et bien malin ("Doppelganger" et ses bribes de discours amusantes). La tournure americana-surf est celle qui me séduit le plus : "Sharp Love" promeut deux voix (Sébastien et Alastrelle) et sonne comme une rencontre improbable entre Peter Murphy et Siouxsie en lisière d'Arizona. C'est ce versant du gothique qui est désormais étayé par la nouvelle scène (par exemple Those Poor Bastards et King Dude) et qui va très bien à DSR. "House of Love" s'annonce comme un tube énorme. Calculé dans ses moindres détails, il est une beauté dressée. Le refrain est immédiat, facile et évident.
Avec "Sad Arpèges", le groupe va plus loin encore dans le dépouillement pendant la première moitié du titre : une scie musicale, une guitare acoustique et une voix féérique et délicate. "Mon Cavalier" referme le disque sur une berceuse angélique : doigts qui glissent sur les cordes, léger écho pour la voix qui ne dissimule rien du souffle. Le genre de titres que Prikosnovénie aurait signés avec bonheur.