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Événement
15/08/2023

Death Cult

8323 : un retour live fomenté par... The Cult

Genre : gothic / afterpunk / post-punk
Photographies : Death Cult 1983 | Beggars Arkive + Billy Duffy memorabilia
Posté par : Emmanuël Hennequin

Deuxième semaine d’août 2023 : l’image (non légendée) du papillon sur fond blanc apparaît et contamine les réseaux. Elle interroge. The Cult, alias la paire Billy Duffy (guitares) / Ian Astbury (chant) et ses musiciens, fomente quelque chose.

Pour comprendre, il n’aura fallu attendre que quelques jours. La première date live donnée sous le nom de Death Cult (première incarnation du groupe "présentée par The Cult", dit l’affiche) aura lieu le 23 octobre prochain à Los Angeles, à l’Ace Hotel (dans son Theatre), avec en guests Cold Cave. The Cult et son management n’ont jamais lésiné sur les anniversaires : la tournée Love 2009 en témoigne, ainsi que la plus récente ressortie en formats luxe de Sonic Temple (et les dates live associées)… sans compter les rééditions spéciales, compilations et boxsets ayant fait florès : The Cult sait entretenir son fond de catalogue, sa marque. Duffy et Astbury, nourriciers principaux depuis son émergence et seuls acteurs permanents de cette histoire, sont légitimes à le faire.

Aux origines, et si nous partons du principe que la lignée des projets en Cult n’implique, par contre, que le seul chanteur, le papillon est à Death Cult ce que la chrysalide est à Southern Death Cult : à savoir Astbury + Buzz Burrows + Barry Jepson + Aki Nawaz Qureshi. SDC : un son des bas-fonds ayant émergé en 1981, en conscience déjà de la situation des minorités, des opprimés. À l’époque, Astbury est un simple précaire, nomade hirsute que porte une folle énergie, sans doute loin d’imaginer qu’il finira un jour dans un line-up de reformation des Doors. L’avant-1983 porte un son aride, positive punk angulaire et qui malheureusement n’aboutira jamais à un premier format long digne de ce nom. Une salvatrice compilation préserve aujourd’hui la mémoire.

La même fatalité frappe Death Cult, signés comme SDC sur Situation Two : pas de vrai album à terme. Des formats EP (Death Cult, Gods Zoo), des compilations (un format homonyme en 1988, Ghost Dance en 1996), petites choses gardées près du cœur pour leur atypie, leur fraîcheur. Ces choses datent, et faire revenir le groupe sous le nom Death Cult, par nature, est une entreprise nostalgique. Non que nous nous attendions à un retour du line-up originel, sauf à faire fi de certaines évidences : le premier batteur Ray Mondo a été renvoyé en son temps pour différences de sensibilité et de vision, et le second batteur (ex-Theatre Of Hate et futur Cult) Nigel Preston n’est plus de ce monde depuis 1992. Enfin, que le bassiste des origines Jamie Stewart remette la main à la pâte nous étonnerait fort, dans un contexte où "The Cult presents" : ainsi, dans l’attente d’une confirmation ou infirmation officielle, nous comprenons aujourd’hui que la tournée envisagée pour la fin de l’année 2023 s’oriente vers un set hommage au fond de de catalogue de la période 1983-1984, jouée par le line-up live actuel de The Cult. Acte nostalgique par nature, disions-nous : un sentiment qui tient essentiellement, a priori, au retour d’une marque.

L’entreprise live Death Cult 8323, néanmoins et de prime abord, paraît plus osée que la moyenne des précédentes, célébrations scéniques de périodes passées et "glorieuses" pour The Cult. Simplement parce que cette partie de l’œuvre de l’ex-Nosebleeds / Theatre Of Hate Billy Duffy et de Ian Astbury (Holy Barbarians / Warriors Of The Mystic Plains) reste un terrain plus familier aux adeptes de la première heure, qu'aux publics gagnés par le binôme au fil du temps, notamment à partir de l’album AC/DCien Electric (1987) : cette fraction de l'auditoire, qui a pavé – et en particulier par le territoire américain, sous l’égide du producteur Rick Rubin – la voie du succès public, est familière et friande encore de l’approche faite sienne par The Cult à partir d'Electric : celle d’un heavy rock / hard rock démonstratif et plus plombé que le son couché jusqu’à Love (1985)… sans parler des guitares arachnéennes et acides antérieures à 1985, signées d’un Billy Duffy en pleine expressivité afterpunk. Un afterpunk qui a pris racine, dans cette histoire et pour de vrai, avec ce Southern Death Cult qui, lui, ne reviendra jamais (et le contraire nous ferait manger quelques chapeaux devant vous). Le son qu’Astbury concocte avec Billy Duffy dès 1983, est plus immédiatement séduisant, plus direct, plus proche de The Cult. C’est la réalité de sa forme et de son histoire, c’est sa force : une chimie entre les deux hommes ressentie dès le départ, matière à se projeter. En 2023, l’aventure n’est toujours pas finie.

À travers la mention The Cult Presents… le groupe actuel vise à mobiliser les troupes de fans actuelles pour, en même temps, présenter cette partie plus obscure du fond de catalogue. Pour ce qu’elle a notamment conditionné de l’avenir de The Cult à partir de l’album Dreamtime (1984, sorte d’extension studio des intentions de Death Cult – cf. "Horse Nation"), le jeu peut en valoir la chandelle, si tant est que l’interprétation des morceaux conserve et fasse resplendir en 2023 une part de l’essence originelle.

Par cette nouvelle entreprise live, Astbury et Duffy disent enfin leur attachement aux racines, un respect de leur propre histoire. Souhaitons à leur opération de rencontrer le succès, quoique ce dernier ne soit jamais garanti. Le risque, néanmoins, a été pesé : pour l’heure, l'action nostalgique suit un ciblage territorial qui a son intelligence. Revenir aux racines passe forcément par lieu de naissance. La tournée Death Cult 8323 s’étalera donc sur tout novembre… au Royaume Uni : le territoire qui le premier a embrassé les vibrations de guitare élégantes et la transe du groupe. Plan à cran de sécurité minimale. La date la plus "osée" de ce périple 2023 reste donc... la première : la date test, en octobre, à Los Angeles. Le choix d’une première partie assurée par Cold Cave y est cohérent mais à double tranchant pour les guests comme pour la tête d’affiche, au regard de la typologie du public américain. Alors aux Etats-Unis, comme peut-être au Royaume-Uni, The Cult pourra difficilement ne pas s’extraire des écritures de sa première mouture, s’il veut pleinement satisfaire l’auditoire. Et puis difficile de croire que le groupe ne fera durer l'expérience qu'une heure, timing à peine atteint par l'œuvre totale de Death Cult [EDIT 16/08/2023 : nos confrères de Post-Punk font savoir que la setlist sera typée et se cantonnera à la période de création post-punk, couvrant la période partant de SDC jusqu'à Love].

Quid d’une tournée américaine après la date test et les performances au Royaume-Uni ? L’avenir dira si l’Amérique plonge in fine vers les racines de l'art de la paire Astbury/Duffy. La tournée sur les terres de feu Elizabeth II, elle, se termine par deux soirs de suite à Londres, à la Brixton Electric. Une configuration de nature à favoriser, si tout devait s’arrêter là (mais nous supputons), la captation des prestations live. Une mémoire se conserve, alors s’il fallait aller jusqu’au bout…