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Interview
25/11/2023

Denis Bortek

Marquis, 'Konstanz' & moi | "L’enthousiasme de Frank Darcel, son engagement : un fil conducteur irrésistible"

Photographies : Maison Souquet (DR) (1) / Marquis live 2023 (Anne Marzelière) (2) / Marquis 2023 (Richard Dumas) (3) / Bortek live (Unkle Z) (4)
Posté par : Emmanuël Hennequin

Il y a quelques mois, nous publiions une entrevue avec Frank Darcel à l’occasion de la sortie de Konstanz : le nouvel album studio de Marquis, projet post-Marquis De Sade et dont la nature collaborative se déploie, s'installe dans le temps. Dans les questions posées à Frank, nous avions subrepticement glissé une apostrophe à l'un des guests du disque : un certain Denis Bortek, connu pour ses tensions ambiguës et pour être resté (l'éternel) frontman des glorieux Jad Wio. Mais pour diverses raisons, Denis n’avait pu libérer ce temps espéré pour répondre à ce moment-là. Nous l’avions forcément regretté mais lui, lui ne nous avait pas oubliés. Et à l’heure où Jad Wio renoue avec l’acte créatif (deux nouveaux EPs), Bortek revient aujourd’hui pour Obsküre sur l’expérience Konstanz et révèle ce qui l’a fait apparaître sur le disque. Une histoire de vibrations humaines, un sentiment qu’il livre. Un partage.

Obsküre : Hors les univers que nous te connaissons en propre (Jad Wio & Mr. D & The Fangs), tes featurings nous semblent assez rares.
Denis Bortek : C’est exact, il est rare pour moi d’effectuer un featuring. Je l'avais fait pour Hervé Costuas aka Wallenberg (RIP), ami de longue date et grand fan de Marquis De Sade, avec Elsa Dresner de Tanit. The Meredith Hunters, de jeunes musiciens, m'avaient aussi proposé de chanter sur leur titre "A higher Price to pay", dans lequel on retrouve Steve McKay, le saxophoniste des Stooges.

Qu'est-ce qui a déclenché ton apparition sur Konstanz, t'a fait accepter ?
Je suis ouvert aux propositions dans la mesure où elles m’inspirent. Ici, c’était le cas. Comment refuser une offre faite par Frank Darcel, individu dont le parcours m’épate et dont la démarche, fondatrice à l’aube du Novö et de l’après-punk, dit-on, a été pionnière ?
Ce qui a déclenché mon apparition sur Konstanz est sans doute la belle performance réalisée sur la scène de La Cité à Rennes lors de l'hommage rendu à Philippe Pascal (NDLR : feu le chanteur de Marquis De Sade) le 24 Juin 2022. Frank m'avait convié à interpréter "Skin Desease", titre emblématique du premier album de MdS. Le public rennais nous a manifesté un enthousiasme explosif et extrêmement chaleureux. La Cité s’est allumée, au rythme enlevé du morceau. Nous avons même ajouté un refrain exponentiel pour finir et prolonger l’euphorie. Frank me l’a redit au téléphone le lendemain, c’était super. Dans la distribution de la soirée, je passais juste après Christian Dargelos, l’épatant chanteur des Nus. Etienne Daho est venu chanter ensuite "Je n’écrirai plus si souvent", le titre enregistré pour Aurora, le premier album de Marquis. Ce fut un hommage magnifique tout au long de la soirée, avec les groupes et les formations auxquelles avait participé Philippe. Un grand moment d’émotion et d’excellence... À la suite de quoi, Frank m'a offert de prolonger l'aventure et d'enregistrer un duo avec Marquis. Alors j’ai choisi de le faire sur le titre "Listen to the Big Bang". Rien n’aurait pu me faire plus plaisir. C’est un beau cadeau, mais aussi une fierté. La distribution des rôles dans ce titre est étourdissante.

À travers cette expérience commune, de quelle manière perçois-tu l'énergie du groupe actuel ?
Eric Morinière, à la batterie, assied une relecture imbattable de la naissance du monde et on est saisi dès les toutes premières mesures par un événement de taille, un présage incertain… Le riff de basse de Jared Mickaël Nickerson allume un truc inhabituel, il est saisissant et très original. Quand la guitare d’Ivan Julian arrive, on est de suite happé par quelque chose de stratosphérique, ça décolle. La voix "lazy psycho" de Frank est détachée et lorsque les cuivres de Mac Gollehon entrent en lice augmentés du saxophone de James Taylor, c’est une explosion de couleurs dissonantes. C’est jubilatoire, d’une fantaisie audacieuse et décalée, jusque dans le dialogue explosif avec la guitare d’Ivan. J’ai posé un timbre luciférien sur celui plus désinvolte de Frank. Je trouve le refrain à trois voix quand nous rejoint Simon Mahieu des plus réussi harmoniquement avec, pour finir en beauté, une outro menaçante et qui ne désarme pas. C’est une belle composition parmi les titres qui composent l’album, et que j’ai aimé interpréter.

C’est de la musique et c'est, de facto, une aventure humaine…
Je participe avec plaisir à l’élan amical qui rassemble quelques individus autour d’un projet ambitieux. Cela en fait un événement inclusif et excitant. Les voix ajoutées, instrumentales ou vocales, donnent un relief inédit à l’ensemble, dans lequel chaque intervenant apporte sa touche à l’édifice et où de belles surprises voient le jour au travers de chouettes rencontres. Il est réjouissant d’avoir entendu Simon Mahieu (NDLR : chanteur recruté par Marquis depuis Aurora) se saisir pleinement de son rôle d’auteur et mettre toute son ardeur dans l’aventure. C’est beau je trouve, ces contributions étendues et transgénérationelles. L’enthousiasme de Frank et son engagement ont été un fil conducteur irrésistible. Je suis très heureux d’avoir participé et d’avoir suivi les étapes de l’élaboration de Konstanz.

Quel lien se tisse alors entre Marquis De Sade et ta propre production, ton aventure en musique ?
Sans autrefois l’avènement de Marquis De Sade, je n’aurais peut-être pas osé Jad Wio. Ils font partie de mes héros. Je les remercie de m’avoir associé à l'une de leurs aventures, et ils ont mon amitié pour toujours.