Voici un titre d'album bien adapté à la situation actuelle ! Et aussi une question que doit se poser tout musicien quand il a quarante années de carrière derrière lui. Figure majeure des musiques sombres, Dirk Ivens a durablement marqué les scènes electro-pop (Absolute Body Control) et electro-industrielles (The Klinik) des années 1980. Au début des années 1990, il se lance dans un projet plus personnel et plus noir encore avec Dive et le moins qu'on puisse dire à l'écoute de ce nouvel opus, c'est que les ambiances claustrophobes, rythmiques et apocalyptiques sont toujours au rendez-vous. Where Do We Go From Here?, c'est en effet du 100% Dive. On se dit même que certains morceaux comme "Death Machine" avec son ambiance hypnotique ou le "Where do we go from here?" éponyme et ses montées progressives sont tellement calibrés pour le concert qu'on regrette vraiment plus que jamais l'arrêt brutal des évènementiels en ces temps funestes.
Les fans se souviendront que le "Where do we go from here?" renvoie à une collaboration de 1994 entre Dirk Ivens et Suicide Commando, mais la nouvelle version est bien différente. Accompagné de Jan Dewulf (Your Life On Hold, Diskonnekted), Ivens a peaufiné des beats puissants, agressifs mais qui ne prennent jamais le pas sur les paysages sonores dessinés par les synthés et les samples, avec toujours ce chant reconnaissable entre mille, froid, direct, lançant chaque phrase comme s'il s'agissait d'un slogan définitif.
Alternant des titres pêchus ("Leave me be"), des ambiances EBM old school remises au goût du jour ("Invisible", qui n'est pas sans rappeler le Front 242 de Geography), voire de pures plongées dans le The Klinik des débuts ("Facing The Moon") et des plages plus atmosphériques et définitivement nocturnes ("Slave to Desire", "Dark Place"), l'album s'apparente presque à une collection de classiques tant les morceaux rentrent dans la tête. L'efficacité est telle sur "Inside your Head" ou "Black Star" qu'on aurait presque envie de transformer notre salon en piste de danse.
Il semble surtout qu'Ivens a retrouvé une urgence qu'il nous donne à sentir, et c'est déjà énorme pour un projet qui a déjà tant de disques impeccables derrière lui. Il faut aussi signaler que l'album s'accompagne d'un EP qui reprend "Inside your Head" et "Black Star" dans des versions légèrement différentes (on préfèrera celles de l'album), ainsi que deux remixes. Le premier par Numb pour "Death Machine" est dense, tendu, réussi et quasiment orchestral, en revanche celui de Suicide Commando est totalement raté, avec des synthés eurodance/makina et des sons très kitsch qui transforment l'intéressant "Leave me be" en soupe. C'est la seule tâche au tableau, car le reste est d'un très bon niveau.
