Doexl s’auto-suffit depuis 2021 et son premier EP, Morph : la jeune artiste basée entre Paris et Berlin assume sa production, se charge de tout. Son label, Voaxs, est le sien, et le son qui mijote sur ce nouvel EP ne se doit à rien d’autre qu’à la volonté de la jeune femme d’explorer un son hypnotique, synthétique et qui vous donne cette curieuse impression de nager en mode subsurface.
Pas de "tube" sur cette collection de choses : une étude plutôt, un sound design qui se creuse dans les champs de la darkwave et d’une expérimentation en mode synthétique. Linda n’œuvre pas dans un esprit de compromission : chaque petit bloc de son étale son givre synthétique, concentre un exercice de style machiniste et sans considération particulière pour des formats communs à la pop culture.
L’EP comprend cinq structures et se conclut par une approche oppressive et dansante avec "Prey " : finir en dynamique et sur une touche physique. Un choix. Ce titre accentue les dimensions physiques du son de Doexl, et a pour lui l’avantage de vous laisser, en sortie d’expérience, avec un feeling plus lié à la transe que la moyenne des autres sculptures présentes.
Ces dernières, qui ont notre (subjective) préférence, n’ont pas une envergure moins expérimentale, bien au contraire. Leur arme de séduction est leur stylisation : un effet de latence, oppressante intériorité. Il y a une conviction, une patten feeling ressenti dès les premières vibrations de l’ouverture : "Beast", un beat mouvant et sinueux, autour duquel l’agglomération des couches produit un effet grondant. La voix, comme désincarnée, vous projette vers le néant. Brouillage de la perception, comme un jeu : vous aurez un peu de mal à savoir où vous êtes, zone grise.
"Vox" produit le même effet : sentiment d’être entre deux mondes, un inconfort plus qu’une menace, mais qui s’épaissit a fur et à mesure que grandit l’emprise du beat. "Æther", enfin, a pour lui cette pulsation qui esquisse invitation à la danse sans qu’elle soit franche, un à mi-chemin qui vous laisse dans la position du décideur. Ecouterez-vous votre corps ? Corpus : un bloc de son en forme d’essai d’art technologique, à la fois aventureux, hypnotique, filmique ("Saint"), aliénant. Son grain est de glace et fait le lit d’une expérience atypique, brève mais marquante. Une plastique sonore exigeante avec elle-même, uneasy listening paradoxalement addictif.
