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Album
09/04/2024

Einstürzende Neubauten

Rampen (APM : Alien Pop Music)

Label : Potomak
Genre : experimental / percussion / industrial
Note : 95%
Photographie : Thomas Rabsch
Posté par : Yannïck Blay

Depuis le départ de F.M.Einheit du groupe allemand le plus marquant et sexy depuis la seconde guerre mondiale au moins, on n’aura de cesse de répéter à l’envi qu’Einstürzende Neubauten a beaucoup perdu de son énergie et de sa jouissive dangerosité inflammable. Le groupe industriel berlinois a pourtant su ces trente dernières années demeurer une escouade essentielle, incontournable et toujours absolument excitante et singulière sur scène et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Mais il y a bien une quinzaine d’années que la bande à Blixa ne nous a pas réellement enthousiasmé(e)s sur disque. Alors quelle n’est pas notre surprise et satisfaction à l’écoute de ce Rampen (APM: Alien Pop Music) qui ne comprend que de fabuleux joyaux de compositions, et pour la plupart heurtés et percussifs en diable, rappelant l’époque d’Ende Neu ou des merveilles plus récentes tel le morceau "Die Ebenen (werden nicht vermischt)" ou "I kissed Glenn Gould" (sur Jewels) !

Pas de titres aussi agressifs et furieux que "Tanz Debil" ou "Feurio", mais Neubauten a clairement retrouvé l’envie de faire du bruit et d’expérimenter avec ses barils de pétrole et ses barres métalliques sans pour autant mettre de côté son exceptionnel talent mélodique. "Kriegsmachinerie" toute ! Pour ce faire, les Berlinois ont utilisé leurs fameuses Rampen (d’où le titre de l’album) pour réaliser ce monument de beauté. À la fin de certains concerts, Blixa et sa bande aiment improviser à partir d’un jeu de cartes appelé Dave (du prénom du héros de The Nine Lives Of Thomas Katz). Chacun suit et interprète comme il l’entend les courtes consignes écrites sur les cartes tirées au hasard. Les enregistrements live de ces impros de la tournée ont donc servi de base à ce nouveau double album. Quinze de ces Rampen furent recréées et réenregistrées à Berlin dans leur Candy Bomber Studio avec l’aide de l’ingé son Ingo Krauss entre mars et octobre 2023. De "Wie Langer Noch" à l’envoûtant "Gesundbrunnen" (qui n’a rien à envier aux superbes "Wüste" ou "Armenia"), on se réjouit et savoure de bout en bout.

Ce disque donne l’impression qu’ils ont pris le meilleur de leurs albums et de leurs instruments pour réaliser de nouvelles compos, cris de momie péruvienne en rut inclus. Rien de bien nouveau sous le soleil de la planète Umbra donc - même les caddies et le marteau-piqueur font leur réapparition - mais quel bonheur! La poésie métaphorico-ironico-urbano-Dada-futuriste de Blixa sied à merveille aussi bien au rock noir, incisif et tribal d’Alex (raaah, ce son de basse!), Felix Gebhard, Andrew Géo-trouve-tout-et-martèle et Rudi et sa batterie de l’enfer, qu’à leur penchant pour les ballades oniriques, mélancoliques et poignantes. Quand Bargeld évoque des philosophes, on a l’impression qu’il nous donne une recette de cuisine ("Pestalozzi"). Quand il évoque le langage, il nous explique qu’il se noie dans le flot des mots qui lui collent à la peau comme du goudron et des plumes. Et quand il nous dit que "Everything will be fine", il se fait plus sarcastique que jamais.

Impossible de dire quel titre on préfère  : ick wees nich, noch nich, dirait Blixa. Das ist Art Total mit shisslaweng!! Komm mit ihnen auf seinen Sonnenbarke! Longue vie à Neubauten !

Tracklist
  • 01. Wie lange noch?
  • 02. Ist ist
  • 03. Pestalozzi
  • 04. Es könnte sein
  • 05. Before I go
  • 06. Isso Isso
  • 07. Besser Isses
  • 08. Everything will be fine
  • 09. The Pit of Language
  • 10. Planet Umbra
  • 11. Tar & Feathers
  • 12. Aus den Zeiten
  • 13. Ick wees nich (Noch nich)
  • 14. Trilobiten
  • 15. Gesundbrunnen