Une voix s’élève, hésitante et solennelle… L’écho se fait grave, le timbre mute, docile et malsain. On pense à Diamanda Galás, mais la comparaison s’arrête lorsqu’une ritournelle folk démarre. Ce chant fiévreux est celui d’Elizabeth S., membre plus ou moins officiel d’Eyeless In Gaza. Passée par la galaxie goth, l’artiste s’entiche de climats mélancoliques. Elle évoque sur ce premier album solo ses tourments de façon très lyrique. Nous retenons de Gather Love une forme de désespoir innocent renvoyant à un certain répertoire introspectif des seventies. Elizabeth place son mal-être avec grâce. L’ensemble reste majoritairement avant-gardiste, mais ne lasse pas. La musique est dépouillée, fonçant parfois dans le registre atmosphérique. L’Anglaise est une conteuse et parvient efficacement à entraîner l’auditeur dans son univers en clair-obscur. On relève d’ailleurs du spoken word sur "To" et l’on ne peut s’empêcher alors de penser aux figures tutélaires de Laurie Anderson et Faithfull. Le disque navigue ainsi dans des eaux cotonneuses et mystérieuses. Armée de son mélodica, Elizabeth convoque également le fantôme de Nico, autre oiseau blessé à l’accent grave. Ceci est particulièrement audible sur "The Hill", où l’on perçoit des réminiscences du Desertshore de l’Allemande.
Soyons honnête, la musicienne excelle particulièrement dans le recueillement, lorsqu’elle tisse de beaux climats austères et éthérés ("The Carer", "Measured Greed", "The long Farewell", "To"). L’exubérance noisy de "Misborn" ou "No Rain" dessert la tonalité de cette œuvre à la fois pudique et émotionnelle. Quant aux élans expérimentaux de "The Carter Girl" et "The Hill", ils sont harmonieux dans leur théâtralité bizarre. En résumé, Gather Love convainc. Avec ses couleurs d’opéra et de dark cabaret, l’opus possède un charme désuet agréable. Enfin, nous ne serons pas surpris de constater la présence discrète de Martyn Bates et Alan Trench, le duo "wyrd folk" de Twelve Thousand Days.
