La Belgique tient de beaux groupes. Whispering Sons a soufflé au-delà des cercles ténébreux, et il est possible qu'Empereur capte aussi une attention plus large. Puisque Idles, Fontaines DC et d'autres ornent les pages de magazines grand public, pourquoi pas ce trio ?
Il y a chez eux des dissonances et un sens du rythme syncopé qui rappellent le succès de nos Sloy nationaux ("Trompe l'œil"), avec une grosse mesure de colère en plus. Elle est bien cette rage, elle illumine nos grisailles et là aussi, ça plaît, chez les jeunes et les plus âgés (Gwendoline et sa rancœur féroce). Peut-être un poil trop punk dans ses fulgurances, un soupçon oï... On verra si ça passe.
Le son a capturé et rendu au mieux ces intentions garage (sur "Expectations") ou punk : c'est sale, mais audible, avec même une couche de synthé qui s'accorde fort bien avec la basse le temps de "Hanging around". C'est Maxime Wathieu qui les a accueillis, lui qui a aussi enregistré Sylvain Chaveau ou Mademoiselle Nineteen, puis Matthew Peel (travail sur le Superior State de Rendez-Vous) et enfin, comme au bon vieux temps, les continentaux ont envoyé leurs bandes sur l'île d'Albion pour un polissage, hérissage par Daniel Husayn (comme Syndrome 81, autre étoile montante, plus street dans le rendu et Frustration pour le single "Nowadays").
Ces noms sont importants car le son d'un groupe, c'est à la fois ce qu'il donne dans son studio de répétition, puis en concert, selon les dispositifs possibles et enfin ce qu'il peut donner de plus en couchant ses morceaux définitivement. Les regards se rejoignent, une école se met en place, une capacité à entendre et à inscrire dans l'Histoire présente.
Le chant est rêche, urgent. Le groupe partage des dates avec Rendez-Vous et, alors que ceux-ci sont désormais moins sombres, Empereur se positionne dans l'énergie et la cohésion que donne une formule calibrée ("Still Life"). Pas du Frustration ici, les arrangements servent la mélodie et ne donnent pas dans l'ambiance ou le placement d'atmosphère ; il y a de l'urgence à offrir ("Eau rouge"). Les rares titres avec climats ressuscitent des choses qu'on aimait bien, juste avant 1980 : "Electric" a des airs du premier Gang Of Four.
L'album, leur premier après une paire de maxis, est bien dosé, les titres s'enchaînent, c'est homogène, les alternances de langue permettent pour nous, les francophones, de mieux plonger dans une grosse poignée de titres. Sans temps mort, sans repos réel, Eau rouge a une belle prestance frontale ; pour la suite on demandera des recoins, des surprises, du danger.