Phil Anselmo se fait plaisir. Le chanteur de Pantera et Down délivre un disque crépusculaire dans lequel sa voix si particulière fait mouche. Il indique que ces titres, il les porte en lui depuis ses neuf ans, puis que certains ont été écrits à la fin des années 1980 et remisés jusqu'à cette fin d'été sous le signe de la Grande Déprime Mondiale.
La tonalité d'ensemble verse dans un rock ténébreux, mâtiné de plusieurs couches distinctes : du blues, de la folk, une mélodie médiévale parfois ("Mausoleums") et du southern gothic. Les compositions se fondent sur une trame simpliste, les arrangements venant densifier le propos, mais juste un peu. Au point que lorsque ce nouveau groupe (car c'est bien d'un groupe qu'il s'agit, dans la réalisation du moins) outrepasse le vœu premier du naturel, la surcharge rend bouffis les titres ("Warm sharp Bath Sleep", trop dégoulinant). Cette parcimonie de fond aura ses adeptes, tant les lignes vocales sont intenses, le grain rappelant quelque peu ceux de Leonard Cohen (pourquoi pas?) ou de Tom Waits (pourquoi pas ? bis).
On apprécie les changements de rythme (la grâce violente de "Blue"). Il y manque néanmoins de la folie. Assez régulièrement, les compositions sont comme fainéantes (précisons "faciles" car on a là des cadors qui savent bosser), donnant dans le déjà entendu (la suite de notes de "On the Floor" est loin d'être surprenante ; "Hats off" déclenche un "à quoi bon ?" poussif). Heureusement, ce déjà-vu permet de tricoter de belles choses (ce registre americana aux claviers lugubres, aux cordes déprimées), mais il donne fondamentalement un exercice tenu et maîtrisé, sans explosion réelle. La présence de Stephan Taylor, maître d'armes chez Wovenhand et 16Horsepower, provoque un intéressant créatif. Prenons cette façon dont la légèreté se couple avec des moments plus lourds (heavy dans le sens où Black Sabbath voulait créer de la magie noire) ; ça fait sens, assez souvent, comme sur l'aérien et mystique "This is not your Day", mais ça ne donne pas encore un album éclatant.
Le mixage est de toute beauté, cru et parfaitement calé (écoutez au casque "Dead can't dance" : c'est une harmonie de moyens à la And Also The Trees !). Le bloc se fait monolithique, ce qui est certainement souhaité de prime abord, mais cette homogénéité des tons crée redondance lorsque démarre le bon "Melancholia" ou l'expressif "Black Mass". Régulièrement, on a l'impression d'avoir fait le tour de ce qu’En Minor pouvait nous dire, gâchant un peu le plaisir pris sur plusieurs titres. Il est dommage de devoir passer des compositions qui, individuellement, tiennent la route, mais se retrouvent comme prises dans un bouchon, l'album défilant sans lasser ni captiver totalement. Il faudra viser plus sobre au prochain tir.