La bande originale de Peur Sur La Ville, film réalisé par Henri Verneuil, sort pour la première fois en format double vinyle, aujourd’hui étoffée d’un LP de titres bonus plus un livret incluant une discussion entre le producteur AM et Jean-Benoît Dunckel, du groupe Air.
Morricone, génial compositeur de ce fameux film avec Belmondo, magnifie l’œuvre dans son ensemble pour en faire un film inoubliable. Sans sa musique, comme presque à chaque fois avec Ennio, le film perdrait énormément de sa qualité. Alors que le disque, lui, se passe aisément de l’image, comme n’importe quel autre chef d’œuvre musical. Le meilleur exemple du don extraordinaire du Romain est son travail pour la B.O. d’Il Était Une Fois Dans L’Ouest qui est tout simplement un des plus grands disques de tous les temps, tous genres confondus.
Avec Peur Sur La Ville, Morricone n’est pas loin d’atteindre ce niveau de perfection. Il faut dire qu’Ennio a presque autant travaillé avec Verneuil qu’avec Leone. Ils ont collaboré en effet cinq fois ensemble, à chaque fois pour le meilleur (notamment Le Casse et Le Clan Des Siciliens, des classiques !). Avec Peur Sur La Ville, le regretté Ennio signait alors en 1975 une de ses plus belles B.O. des 70’s avec Le Trio Infernal ou Mon Nom Est Personne. Ce disque est donc une excellente entrée en matière afin de s’initier à l’œuvre de Morricone et de découvrir les différentes palettes et facettes de son génie. D’autant que Peur Sur La Ville résume un peu toute la carrière d’Il Maestro.
Le thème du film commence par une boucle qui fait penser à un pouls amplifié, un peu à l’image de The Thing de Carpenter, B.O qu’il signera quelques années plus tard. Puis des accords de piano envoûtants et une mélopée lancinante, un leitmotiv siffloté comme souvent avec Morricone, qui fait monter la tension, titille violemment les nerfs de façon quasi spasmodique et colle parfaitement à l’ambiance du film, comme toujours avec l’Italien. Il est en effet le roi pour illustrer les silences, les regards où l’on sent tous les sens en éveil, une tension maximale et animale.
"Dolcemente ambigua" est plus légère, même si elle porte bien son titre. Elle donne une certaine respiration à cette B.O. plombante, tout comme "Minaccia Telefonata N.1" et son ambiance guinguette. "À l’Angle d’une Rue de la Périphérie" évoque plutôt les atmosphères qu’il a travaillées pour les films noirs ou giallos. "Considération sur un Homicide" rappelle la fin d’"A Day in the Life" des Beatles et George Martin. Sur "Essere Preso dal Panico", les sifflotements sont remplacés par l’harmonica, autre instrument cher à Morricone. Sur "Une Bouffée de Radio", on croirait entendre le Morricone des musiques de films érotiques. Sur "Minaccia Telefonata N.2", on pense à ses musiques de saloon pour westerns spaghetti. D’ailleurs, "Défense de stationner" rappelle fortement les ambiances de Mon Nom Est Personne. Sur "Paris Secret", c’est la trompette qui soufflotte à merveille, en lieu et place de l’harmonica. À d’autres moments, bruitisme (la toute fin du disque) ou dissonance (les cordes surtout, un peu partout sur le disque et dans l’œuvre du Romain) ne sont pas en reste…
Comme d’habitude, les thèmes, qui conceptualisent toujours à merveille les sentiments des protagonistes, sont exploités à l’infini, comme si le maestro se remixait lui-même en différentes versions. Bref, tout le génie de Morricone est là. Peur Sur La Ville est dans cette lignée de disques atemporels et éternels à posséder absolument dans sa discothèque.