L’expérience est courte, et Faggia (Krass) semble d’autant plus prendre de fun sur ce premier EP en nom propre. Ses produits de synthèse fixent un rituel dansant, enregistré en l’occurrence au studio Pierre Schaeffer. Le protagoniste principal lui-même donne un cadre à la création de Monde Flottant, expression renvoyant "à la pensée bouddhique selon laquelle le monde est illusion, où tout ce qui se présente à nos sens et à nos pensées relève de l' 'impermanence' tel un courant qui emporte, dans son flux, le 'monde flottant'."
De facto, le feeling ressenti à l’écoute est celui, peut-être pas d’un trip hors corps, mais d’un voyage imaginaire. L’hypnose induite par les boucles rythmiques ("Ruine", pour citer un exemple) opère à plein et l’EP se remarque aussi pour son unité de couleur, sa spatialité. Une musique de clubs en clarté diffuse, à l’heure où les boîtes ne peuvent plus accueillir personne. Monde Flottant, c'est aussi faire œuvre de don : sur Bandcamp, vous donnez ce que vous voulez pour acheter l’EP. La philosophie s’entend, et nous pouvons dire merci – mais ne jamais perdre de vue, et l’époque l’oublie fortement, que la musique est le fruit d’un travail. Et que ce travail a forcément une valeur.
À la manœuvre aussi : Paul Void (Stamp, Al-Qasar) qui, à la batterie, joue un rôle d’importance. La percussion est une des armes principales de Faggia, ajoutée à un travail de texturation méticuleux. Ce dernier fait merveille sur les couches additionnées du final morceau éponyme, où se confirme l’élan physique portant cette musique electro. Flottez, maintenant. C’est une expérience charnelle et directe, Faggia exposant ici des charmes que l’on espére voir s’étaler sur plus de temps à l’avenir. Histoire de les fixer, les imprimer plus en profondeur même si le flux, en définitive, nous échappe toujours.