En ce mois d'avril 2021, Earth Inferno fête ses trente ans. Nouvelle trace live après l'EP live BBC Radio 1 Live In Concert (boot officiel au rendu contestable) et le film Forever Remain (1988), Earth Inferno a été complémenté par le film Visionary Heads, resté en mémoire et au tracklisting différent en certains points. Cette compilation de prises live réalisées sur trois concerts différents (Angleterre, Allemagne), par comparaison au plus brut Forever Remain de 1988, capture Fields Of The Nephilim dans un son plus poli mais au summum de la performance et de l'expressivité de son line-up classique : McCoy, Yates, Wright, Pettitt, Wright, noyau dur augmenté pour la scène et la tournée Elizium du claviériste Paul Chousmer.
Earth Inferno, paru un an après le chef d'œuvre climatique Elizium (1990), bénéficie d'un design visuel inégalé cosigné Chris Bigg (gourou visuel de Beggars Banquet) / Sheer Faith (la compagnie de McCoy). Une trace qui marque : le son du groupe est magnifié sur la plupart des versions des originaux déclinés ici. La force de la captation fait à la fois d'Earth Inferno une conclusion proche de la perfection d'une ère où le style culmina, mais aussi une porte d'entrée parfaite pour les néophytes, si ce n'est un disque indépassable (dans la catégorie albums live) : cette compilation de luxe de tous les classiques du combo britannique comporte parmi les versions les plus sidérantes et habitées jamais rendues jusqu'alors. Il n'existe pas, à notre avis, de meilleure version de "Dawnrazor" (que le son de l'original, paru sur le premier opus studio du même titre, sonne petit en comparaison !) et cela ne tient pas à la dose de fumigènes : "Dawnrazor", et c'est presque impardonnable, est inexplicablement absent du film Visionary Heads. Quant à "Last Exit for the Lost", voilà simplement l'un des tricots de guitares les plus éclatants et cosmiques jamais fabriqués en concert par le line-up de cette époque. Paul Wright et Peter Yates n'étaient pas virtuoses, ils étaient chimiques et le groupe maîtrisait pleinement son sujet : sur les enregistrements de 1991, The Nephilim transcende l'hypnose des originaux (la boucle de basse de l'intense "Psychonaut") et restitue avec force détail les imbrications climatiques d'Elizium. Dantesque enchaînement dantesque que celui qui ouvre la bande live.
Une source à comparer à Earth Inferno se trouve sur le bootleg référentiel Memoriam, quoique nous lui préférions le lustre et la patte du mix d'Andy Jackson (Pink Floyd) - déjà aux manettes en studio pour McCoy & co. - pour la sortie live officielle assurée par Beggars Banquet en 1991 (réf. BEGA 120 CD). Memoriam garde néanmoins pour lui l'avantage de la présence d'autres morceaux d'Elizium, et notamment son climax final (le diptyque "Wail of Sumer" / "And there will your Heart be also", cruellement absents du live officiel). Les quelques et seuls autres regrets concernant le volume live officiel 1991 tiennent au sacrifice sur disque de deux prises présentes sur Visionary Heads, absolument dantesques : "Blue Water", mais aussi et surtout une version époustouflante de "Chord of Souls", où le groupe étend le titre d'un appendice aux voluptés apocalyptiques. Intouchable.
Par la suite, dans ses réincarnations successives à partir de 2000 emmenées par Carl McCoy (impliquant à diverses reprises et aujourd'hui même Tony Pettitt), The Nephilim fera l'économie des claviers. C'est le choix d'une configuration réduite (un batteur peut lancer des séquences) pour un privilège accordé aux guitares. L'option a refait de FOTN un spectacle sur scène, quoique défait de la présence de nombre de ses musiciens originels. Le live Ceromonies, dernière trace live en date (2012, capturé en 2008), n'en reste pas moins un moment intéressant, peinant à rendre certains climats d'Elizium mais fixant avec bonheur une oreintation plus métallique dans les guitares. Le binôme live alors composé du permanent Gav King et de feu Tom Edwards, parvenait à offrir une splendeur au son du groupe ("Shroud (Exordium)", époustouflante restitution du cru 2005 Mourning Sun) et, sans faire oublier la splendeur du cru live 1991, rendait justice à moult classiques de l'ère 80's ("Moonchild", "Celebrate", "Trees come down"). En tous ses enregistrements live officiels, finalement, Fields Of The Nephilim captura quelque chose de puissamment évocateur.