En adepte de Killing Joke, toutes périodes confondues, lorsqu'on m'a incité à écouter Final Gasp en le rapprochant de la bande de Jaz Coleman, l'envie était là. J'avais déjà pas mal apprécié The Wraith et son Gloom Ballet en 2019, alors qu'allait donner Final Gasp ? Déjà, la pochette, gothique à souhait, est une peinture : c'est un bon point.
Le son est globalement plus travaillé dans les fioritures : là où Killing Joke se fait hypnotique, rude, le groupe de Boston soigne encore les angles, ramenant à la période "Love Like Blood" des Anglais. Ce n'est pas une question de douceur ou de pop, mais bien de construction des pistes en ajoutant du détail. C'est sympa mais pas ce que je préfère ("Climax Infinity") car je pense que ce n'est pas utile, que les morceaux n'en ont pas besoin. En revanche, je fonds sur le talent de copycat déployé pour "Mourning Moon", titre éponyme, avec un clavier et des tonalités trèèèès inspirées. C'est assez bluffant et ça me va.
Le cahier des charges post-punk est plutôt habilement rempli : la batterie frappe justement (même si un peu éloignée au mix) ; la voix éructe sans basculer dans le punk hardcore et en gardant une part de groove suave ; il y a de l'acidité dans les guitares en sus des raclements et du réglage de la distorsion au poil (le démarrage instantanément captivant de "The Vanishing" !) ; la basse, bien sûr, est présente, mais son recul (là encore trop prononcé à mon goût) permet de donner une touche plus heavy / hard-rock à la musique ("Temptation"), au détriment d'une ambiance rock gothique jamais trop loin non plus (le final de "Rows of Heaven" avec le crépitement d'un feu est un marqueur, assurément).
Les passages plus enlevés s'accompagnent de percées harmoniques élégantes (notamment pour ceux qui apprécient les chœurs de l'horror-punk) comme sur "Frozen Glare". Le trip plus musclé se poursuit avec "Unnatural Law" qui hésite entre plusieurs styles, avec un fond saturé en un brouillard assez noisy, des riffs parfois rock, une voix plus metal-indus et des relances en mosh-part pour un résultat bancal que j'ai du mal à appréhender de prime abord. Au fil des écoutes, la curiosité ("comment ça marche ?") me fera apprécier ce titre tordu pour ses maladresses.
Il reste que les constructions des morceaux sont le plus souvent très travaillées en ne se limitant pas à une succession de couplets-refrains, mais offrent des parties plus denses, plus aventureuses ("Homebound"). Cette ambiance et l'envie réalisée d'être emphatique mène à des instants captivants sur ce qui n'est qu'un premier album : réussir "Botched Ritual" réclame de l'assurance et de la cohésion, qualités que le quintet en live possède (voir le clip de "Climax Infinity"). Inversement, "Blood and Sulfur" se fait incisif et en format réduit : pourquoi pas ? Ces choix artistiques pensés donnent ainsi à Final Gasp une personnalité différente.
Je reste perplexe face au choix de séparer le final expérimental de "Frozen Glare" en une piste à part ; à mon sens, on peut exiger de l'auditeur qu'il se coltine une fin plus longue et particulière, puisque le titre "The Vanishing" est de son côté un hommage aux morceaux décalés de l'ère post-punk, ces longs titres qui venaient clore des disques parfaits... Un premier long format impressionnant !