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Album
29/06/2021

Fourthousandblackbirds / Federico Balducci

Anta Odeli Uta

Label : Somewherecold Records
Genre : noise ambient
Date de sortie : 2021/04/09
Note : 70%
Posté par : Sylvaïn Nicolino

Albérick (.cut, The Montreal Nintendo Orkestar, Thee Virginal Brides, evoked response...) retrouve Federico Balducci, le Vini Reilly (toutes proportions gardées) de ce début de XXIème siècle. Ils avaient sorti avec evoked response quatre titres en 2018, The Habitability Of Natural Satellites, en autoproduction.

Le label qui les signe aujourd'hui met alors l'accent sur une première rencontre "officielle". Le rythme de parution des deux artistes est en effet emblématique d'une nouvelle génération qui n'attend plus la signature et qui se fait plaisir. Somewherecold Records, basé désormais au Kentucky a signé The Corrupting Sea ou encore Tombstones In Their Eyes et multiplie là encore les sorties (digitale, CD-R, 45 tours, LP, cassette, CD, digipack). Il faut bien cette annonce officielle pour ancrer des moments au milieu des sorties prolifiques (plus de cent références pour Albérick en vingt ans ; l'équivalent de seize albums et quinze participations en trois ans pour Federico).

Sorti en digipack (édition limitée de cinquante exemplaires) et digital, ce long EP de six titres est une rêverie qui met en scène les errements réflexifs du space opera. On évite les grands moments épiques et on observe comme les héros dépassés ces paysages étranges. Ainsi, la beauté étonnante de "Wake" est parasitée par des fréquences devenues inaudibles, cruelle réalité à laquelle le personnage qui se réveille doit se confronter, abandonnant son immersion entre rêve et réveil face à son hypothétique hublot. Les comparses qui se baignent dans une piscine pleine de lait de soja sont Gira (Michaël) et Ligeti (György) : là aussi "Ligeti and Gira floating in a Pool filled with Soy Milk" est une scène hypnagogique, la plus longue du disque. Les tensions de départ (drone et guitares en couches superposées, raclements et grincements, couinements et glissements) se muent en vagues sonores (proches des travaux de John 3:16 ou encore Ichtyor Tides), flux et reflux. La piscine dont il est question semble démesurée, un bassin à la taille de ces géants. Les éruptions dominent le bassin olympique et la partition des deux musiciens se complète sans que l'on discerne au final qui a fait quoi.

Sur "Lux", les éléments sont plus rangés : les teintes métalliques des clochettes, les bruitages aqueux, les notes de la guitare préparée, les souffles et autres parasites, les battements cardiaques. C'est plus évident et immersif. "Toxoplasmosis" poursuit l'exercice, conjuguant habilement une mélodie dans un cadre vicié, mais sans éléments angoissants. On est dans un délire rétro-futuriste, sous la marque du film muet Aelita (réalisé par Yakov Protazanov en 1924) puisque cet étrange titre Anta Odeli Uta était le message envoyé par les Martiens aux Terriens. "Queen of Mars" renvoie donc à Aelita, les signaux radio en morse dirigent ce dernier titre, là aussi instrumental. Sur Mars, le père d'Aelita exerce sa tyrannie sur les ouvriers et la révolution soutenue par les Terriens conduit à la victoire de la reine, qui se mue immédiatement en despote à son tour... Les échanges de code se superposent, sans s'écouter, le son se fait de plus en plus fort, strident par instants, occultant la mélodie et la vie, prônant en boucle le même message, long court court long / court court : la note DO pour finir et recommencer. La pochette (carte blanche laissée à Albérick) s'éloigne de la référence extra-terrestre, préférant placer des mouches bien grasses en train de se sustenter... Hommage aux vibrations et bourdonnements.

Tracklist
  • 01. Wake
  • 02. Ligeti and Gira floating in a Pool filled with Soy Milk
  • 03. Lux
  • 04. Toxoplasmosis
  • 05. Queen of Mars